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Le Japon déclare la guerre à la disquette informatique

Le Japon, pays de la haute technologie, déclare la guerre à la disquette. Un support informatique obsolète dont le pays a beaucoup de mal à se débarrasser.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une disquette HiFD 3,5 pouces et un lecteur de disquettes de 1997. (TORU YAMANAKA / AFP)

La disquette, c'est ce petit carré de plastique noir très fin qu'on insérait dans l'ordinateur pour y ranger nos fichiers. Comme les souris à boule ou les écrans incurvés, elle appartient aux premiers temps de l'informatique. Aujourd'hui, il faudrait 20 000 disquettes pour stocker ce qu'on met dans une seule clé USB de 32 Go. Aujourd'hui, on parle numérique, cloud, toute la planète se sert de supports modernes… mais le Japon, lui, est resté à l'ère de la disquette.

Cela fait dix ans qu'on n'en fabrique plus, encore plus longtemps que les gouvernements successifs essaient de s'en débarrasser, mais cette fois-ci vraiment c'est "la guerre". C'est l'expression employée par le ministre japonais chargé du numérique, Taro Kono, qui ne peut plus voir en peinture les disquettes, ni les CD-ROM, ni les MiniDisc, ni les fax et qui se lance dans une grande entreprise de modernisation de son pays.

Taro Kono explique que dans l'administration "environ 1 900 procédures nécessitent encore l'usage des disquettes ou CD ou MiniDisc". A la préfecture, on peut vous demander de fournir des documents sur disquette. La culture bureaucratique japonaise est hyper conservatrice. Pour les faire disparaître, il va falloir changer toute la réglementation, lever des obstacles juridiques... et vaincre la résistance de la population.

Encore des fax dans beaucoup de foyers

Le Japon, ultra innovant en matière de gadgets high-tech ou de robotique, s'accroche à des technologies obsolètes. Dans les années 80, par exemple, tout le monde avait un fax à la maison pour s’échanger facilement des messages manuscrits, des dessins ; beaucoup de Japonais en ont encore un. Les personnes âgées s’en servent et dans l'administration, les fonctionnaires l'utilisent tous les jours.

En terme de compétitivité numérique, dans un classement de l’école de commerce suisse IMD l'an dernier, le Japon était 28e, loin derrière les États-Unis, le Canada, l’Allemagne ou la France. 

Un support moins performant, moins fiable... et qui peut se perdre

Un autre exemple encore plus représentatif est celui des hanko, ces sceaux gouvernementaux uniques taillés à la main qui restent nécessaires pour signer certains documents, comme un contrat de mariage… Or l'utilisation de ces systèmes obsolètes pose problème : la disquette rallonge les procédures, elle pose des problèmes de stockages, elle est moins performante et moins fiable quand il s'agit d'archiver ou de transmettre des informations.

L'an dernier par exemple, la police de Tokyo a perdu deux disquettes qui contenaient des informations confidentielles sur des demandeurs de logement. Malgré cela la police, comme les médecins, est réticente à transférer des données d'un services à l'autre via des systèmes reliés à internet. Le système informatique dédié qu’ils utilisent n’est pas forcément relié à internet. On parle aussi de cette municipalité qui a versé en une seule fois à un seul de ses administrés l'allocation destinée à 463 foyers... parce qu'il y avait eu un problème avec la disquette de la banque.

Le gouvernement se donne quelques années pour faire disparaître cet usage d'un autre âge. Même si les Japonais ne s'en sépareront jamais vraiment. Nous non plus d'ailleurs ! Pourquoi ? Parce que c'est cette bonne vieille disquette qui a inspiré l'icône de la fonction "enregistrer" ou "sauvegarder" dans tous nos ordinateurs... Et ça, ça n'est pas près de changer.

Merci à Karyn Nishimura, correspondante de Radio France à Tokyo

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