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Le safran, victime du réchauffement climatique

Cette épice qu'on appelle "l'or rouge", le safran, souffre de plus en plus du réchauffement climatique. Certains pays producteurs, comme la Grèce, l'Inde ou l'Espagne, en sont les première victimes.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Cueillette des fleurs et pistils de safran. (PATOU FIORI RINIERI / RADIO FRANCE)

Après les récoltes de safran qui ont lieu en automne, l'heure est au bilan et il n'est pas bon du tout. Le magazine Courrier International a publié dimanche 25 décembre un article d'I Kathimerini, un quotidien grec : dans la région de Kozani dans le nord de la Grèce, près de l'Albanie, les rendements ont considérablement chuté par rapport à l'an dernier : 800 kg au lieu de trois tonnes. Du jamais vu depuis que la coopérative des producteurs de safran de Kozani tient ses registres, c'est-à-dire 1954. Chaque année, les rendements sont de plus en plus faibles, alors que "l'or de Kozani" s’exporte habituellement vers d'autres pays européens, mais aussi en Amérique et en Chine.

Les familles qui cultivent les fleurs depuis plusieurs générations sont formelles : le responsable ? C'est le réchauffement climatique, la hausse des températures. Le mois dernier, on se promenait encore en tee-shirt dans les champs de Kozani.

150 fleurs pour 1 gramme

Si le safran est un bon indicateur, c'est parce qu'il s'épanouit dans le froid. Les filaments rouge foncé qui donnent cette saveur si particulière au risotto ou à la paella ce sont en fait les pistils séchés, des fleurs de crocus sativus dont le cycle de vie est inversé par rapport à la grande majorité des plantes.

Du printemps à l’été les bulbes sont sous terre, c'est en automne qu'ils fleurissent, et couvrent les terres d'un magnifique tapis violet très odorant. Les fleurs sont ramassées à la main dans la fraîcheur du matin, avant les premières chaleurs. Il en faut environ 150 pour produire un seul gramme de safran. Mais lorsqu'il ne pleut pas assez ou qu'il fait trop chaud, elles sont beaucoup plus rares.

L'Iran, l'Inde, le Maroc, l'Espagne...

D'autres régions sont concernées : l'Iran, où la sécheresse a fait légèrement baisser les rendements, même si le pays écrase toujours la concurrence et concentre près de 90% de la production mondiale.

En Inde, au Cachemire, dans les contreforts de l'Himalaya, c'est plus frappant : en trente ans, la production a été divisée par deux en raison de la hausse des températures et de la sécheresse, et les projections ne sont pas bonnes. Dans la région du Cachemire selon une étude de la revue Climate Change, publiée cet été, les températures dans la région pourraient augmenter jusqu'à sept degrés d'ici 2100 si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas. Dans ces conditions, impossible de continuer à cultiver – d'autant que le conflit avec le Pakistan qui revendique la région perturbe aussi les récoltes.

D'autres pays s'inquiètent des conséquences du changement climatique sur les cultures, comme le MarocEn Europe l'Espagne aussi est productrice de safran, et de la région de Castille La Mancha, productrice de safran AOP. 462 kg cette année, avec des rendements à l'hectare en baisse d'environ 20%. "La baisse des rendements est une réalité" dit le président du Conseil de réglementation du safran de La Mancha, Carlos Fernández, au site agroinformacion.com. "Nous continuons à insister sur le fait qu'il n'y aura d'avenir pour le safran de La Mancha que si des mesures sont mises en œuvre".

Des oliviers pour remplacer les crocus

Les conséquences sont d'abord économiques. Chaque fois c'est un tissu de petites entreprises familiales qui est menacé. En Grèce, les agriculteurs commencent à remplacer les crocus par des oliviers ; jusqu'ici il faisait trop froid mais avec la hausse des températures leur culture commence à prendre. 
En Espagne et en Inde on expérimente aujourd'hui la culture en intérieur ou même sous serre, ce qui n'a pas beaucoup de sens puisqu'il faut plus d'irrigation. Les gouvernements eux planchent sur des programmes d'aide plus importants. Personne ne peut se résoudre à abandonner l'or rouge qu'est le safran. À 10 ou 15 000 euros le kilo elle reste l'épice la plus chère du monde.

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