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Marée noire en Israël : l'Iran coupable de "terrorisme environnemental", vraiment ?

Une gigantesque marée noire a envahi ces dernières semaines les côtes israéliennes. Et le pays a désigné le coupable : son grand ennemi iranien. Une accusation discutable.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des personnes nettoient la plage vers Haïfa (Israël) souillée par des galettes de pétrole, le 21 février 2021.
 (AFP)

Des milliers de galettes de mazout épais et collant souillent le littoral israélien et sa faune depuis la mi-février. Ce n'est pas qu'une gigantesque catastrophe écologique, c'est un acte de "terrorisme environnemental" selon l'expression formulée mercredi soir par la ministre israélienne de l'Environnement lors d'une conférence de presse.

Un bateau pirate

Ses services ont enquêté sur une trentaine de bateaux avant de trouver le responsable : un vieux pétrolier libyen, l'Emeraude, enregistré sous pavillon panaméen. Un bateau pirate qui faisait vraisemblablement de la contrebande de brut depuis l'Iran vers la Syrie. Il avait désactivé son dispositif de suivi automatique. Mais il suffisait que les enquêteurs mentionnent l'Iran, ennemi juré d'Israël, pour que la ministre se déchaîne.

Ce navire, dit Gila Gamliel, s'est "approché de la zone économique exclusive d'Israël" pour "polluer de manière délibérée". "L'Iran mène des activités terroristes non seulement en cherchant à se doter de l'arme nucléaire, non seulement en essayant s'implanter près de nos frontières, mais aussi en s' attaquant à l'environnement".

Gaza et le Liban pollués aussi

La théorie est plus que discutable, pour au moins deux raisons. D'abord parce que la pollution s'est produite alors que des vents extrêmement puissants et des vagues inhabituellement hautes ont été enregistrées au large d'Israël. Le navire a pu se trouver en difficulté et perdre une partie de sa cargaison. Dans l'hypothèse avancée par la ministre de l'Environnement, la moindre erreur de calcul risquait de polluer non pas les côtes israéliennes mais les plages de Gaza ou du Liban où les Iraniens ont quelques alliés. Ce qui s'est effectivement produit. Ensuite parce que la ministre a été étonamment seule à monter au front. Selon la presse israélienne du jeudi 4 mars, même le Mossad et le ministère de la Défense, très bons connaisseurs du dossier iranien, ont été pris au dépourvu par son intervention.

Un contexte de tensions croissantes

Pour autant, ces accusations traduisent un contexte de tensions croissantes entre Israël et l'Iran. Depuis l'an dernier, les accrochages sont permanents. On parle de cyberattaques réciproques, de frappes israéliennes en Syrie contre des forces pro-iraniennes, de tirs iraniens contre un bateau de commerce israélien (il y a quelques jours dans le golfe d'Oman).

Cette poussée de fièvre est liée au tournant qu'a pris le dossier du nucléaire iranien depuis l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. La nouvelle administration américaine veut en effet essayer de sauver l’accord de 2015, ou du moins ce qu'il en reste après le dynamitage de Donald Trump.

Or Israël s'oppose de manière radicale à la reprise des discussions, persuadé que c'est le meilleur moyen d'encourager Téhéran à poursuivre son escalade nucléaire. L'État hébreu s'est récemment trouvé des soutiens de poids dans le monde sunnite, auprès des Émirats arabes unis voire de l'Arabie Saoudite.
Dans ce contexte explosif l'Iran peut objectivement se sentir menacé, encerclé. Mais la ministre de l'Environnement n'avait sûrement pas besoin d'allumer une nouvelle mèche.

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