Prix Nobel : système universitaire, financement de la recherche, attractivité... les clés du succès des États-Unis
Une fois de plus, les Américains ont largement dominé la saison des Nobel avec huit lauréats sur 13 pour le millésime 2021. On vous explique les raisons de ce succès.
Tous les ans c'est la même chose ! Depuis le premier Nobel en 1901, les États-Unis ont obtenu près de 400 médailles, très loin devant le Royaume-Uni (138) et l'Allemagne (111), pays abonnés aux deuxième et troisième marche du podium. On dirait presque un tableau des Jeux olympiques. Les Américains écrasent tout le monde notamment dans les matières scientifiques (économie, médecine, physique, chimie). C'est un peu moins vrai pour la littérature.
C'est le reflet de leur système universitaire, mélange d'établissements publics et privés ultra-select, tous très bien dotés (de financements publics et privés), qui se retrouvent systématiquement en tête des classements internationaux pour la qualité de leur enseignement.
Frais de scolarité élevés
Mais ces facs prestigieuses, celles qui drainent la majeure partie des financements publics et privés, ne sont qu'une poignée à travers tout le pays. Et accrochez-vous, pour avoir la cerise sur le gateau et étudier à Stanford, en Californie, il faut être brillantissime : il n'y a que 5% de reçus à l'entrée.
Il faut aussi accepter de s'endetter sur 20 ans, car les frais de scolarité pour une année universitaire, tout compris, avec le logement et la nourriture, c'est 79.000 dollars (un peu plus de 68 000 euros) si vous n'avez aucune bourse, aucune aide. Ça vaut bien un Nobel.
D'ailleurs les universités ne se privent pas d'afficher leur palmarès. Berkeley, en Californie, se félicite sur les réseaux sociaux du Nobel d'économie attribué à l'un de ses professeurs, David Card, pour ses travaux qui, selon le comité, "ont complètement remodelé le travail empirique dans les sciences économiques en remettant en question les idées reçues".
“‘Challenging conventional wisdom’ is part of Berkeley’s DNA." #BerkeleyNobel #NobelPrizehttps://t.co/igsKXQMvRb
— UC Berkeley (@UCBerkeley) October 11, 2021
"La 'remise en question des idées reçues' fait partie de l'ADN de Berkeley, écrit l'université. C'est ce qui se passe dans nos salles de classe et nos laboratoires ; c'est ce qui conduit à l'inspiration, à la découverte et à de nouvelles connaissances ; c'est ce qui distingue Berkeley et en fait l'endroit le plus passionnant pour travailler et étudier." Berkeley est l'un des dix campus de l'université publique de Californie, qui a fourni à elle seule 70 prix Nobel - presque autant que la France.
Financement de la recherche fondamentale
L'autre particularité américaine, c'est le financement de la recherche fondamentale. C'est un indicateur important, cela veut dire que l'argent va à des travaux expérimentaux dont les résultats sont totalement incertains. Et si ça marche, le retour sur investissement peut prendre des années, voire des décennies. Cette année par exemple, le co-nobel de médecine, Ardem Patapoutian, a travaillé pendant douze ans sur le système nerveux et le sens du toucher.
Il existe une Fondation nationale américaine de sciences, créée en 1950, qui coordonne les fonds fédéraux, mais de plus en plus de dons viennent aussi de dons privés et d'hommes d'affaires philanthropes. L'avantage si vous êtes brillant, c'est que vous pouvez monter très haut très vite. Les universités américaines n'ont pas peur de récompenser les jeunes chercheurs en leur offrant leur propre laboratoire. Alors qu'en Europe et au Japon, pour monter en grade, il faut attendre que le patron qui gère l'équipe libère sa place, qu'il parte à la retraite. Ce n'est pas le système le plus stimulant qui soit.
Accueil des étrangers
En termes de financements de la recherche, la Chine est presque sur le point de faire jeu égal avec les Américains mais elle n'a pas la même force d'attraction pour les étudiants étrangers. Les États-Unis ont pour eux leur statut de première économie mondiale, l'assurance pour un scientifique de trouver un job dans le milieu académique mais aussi dans l'industrie ou les laboratoires gouvernementaux.
Ils accueillent les étrangers à bras ouverts, une politique qui se reflète dans le palmarès 2021. Syukuro Manabe, co-lauréat du Nobel de physique, a quitté le Japon pour les États-Unis dans les années 1950. David McMillan, Nobel de Chimie, est parti d'Écosse dans les années 1990. Même chose pour deux des trois Nobel d'économie, qui avant de s'installer aux États-Unis ont fait leurs études au Canada et aux Pays-Bas.
Ardem Patapoutian, parcours d’un enfant de Beyrouth lauréat du prix Nobel - L'Orient-Le Jour https://t.co/b9jfNf0YJd
— Ardem Patapoutian (@ardemp) October 9, 2021
Le co-Nobel de médecine, Ardem Patapoutian, est quant à lui né dans une famille arménienne de Beyrouth en 1967, réfugié aux États-Unis pour fuir la guerre civile. C'est aussi pour toutes ces raisons que la neurobiologiste française Catherine Dulac, lauréate du Breakthrough Prize 2021 (prix scientifique américain doté de trois millions de dollars) pour ses recherches sur l'instinct parental, a préféré ne pas rentrer en France lorsqu'elle avait une vingtaine d'années.
Toutefois la baisse sensible de l'immigration, conjuguée à une montée de la xénophobie et du nationalisme, risque de rendre le pays moins attractif et menace, à terme, la domination américaine.
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