Sabotage des gazoducs russes Nord Stream : la présidence ukrainienne se défend, après les révélations du Wall Street Journal

C'est la première fois qu'une enquête raconte dans le détail le sabotage en 2022 des gazoducs russes en mer Baltique. D'après le quotidien américain, l'Ukraine en est responsable, mais Kiev a qualifié jeudi de "non-sens absolu" cette mise en cause.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Vue aérienne de la fuite de gaz, après les explosions touchant les gazoducs Nord Stream 1 et 2, le 26 septembre 2022. (HANDOUT / DANISH DEFENCE / AFP)

Alors que les forces ukrainiennes revendiquent de nouvelles avancées dans la région de Koursk, en territoire russe, à Kiev les autorités sont mises en cause dans le sabotage du gazoduc Nord Stream, en mer Baltique. D'après les révélations du Wall Street Journal, c'est bien l'Ukraine qui en est responsable et Volodymyr Zelensky était au courant. La présidence ukrainienne, elle, se défend jeudi 15 août de cette mise en cause par le quotidien américain.

C'est la première fois qu'une enquête raconte dans le détail ce sabotage audacieux qui, depuis bientôt deux ans, alimente toutes les spéculations. D'après le quotidien américain, qui s'est entretenu avec de hauts gradés ukrainiens, l'opération est née d'un défi lancé autour d'un verre entre officiers et hommes d'affaires. Nous sommes en mai 2022. Attaquer les deux tuyaux qui acheminent le gaz russe vers l'Europe et fournissent des milliards à la machine de guerre du Kremlin leur semble alors une excellente idée. Les hommes d'affaires avancent l'argent (il faudra au total 300 000 dollars) et les spécialistes militaires des missions clandestines se mettent au travail.

Volodymyr Zelensky aurait validé, avant de se rétracter

Quatre mois plus tard, un voilier est loué au port allemand de Rostock, sur la Baltique. À bord, six personnes, moitié militaires, moitié civils, plongeurs expérimentés, dont une femme d'une trentaine d'années pour faire croire à un groupe d'amis en croisière. L'équipage embarque de l'explosif HMX dont une petite quantité suffit à ouvrir les tuyaux à haute pression. Ils opèrent à 80 mètres de profondeur et au petit matin, le 26 septembre, trois puissantes explosions éventrent le gazoduc, qui pendant une semaine va faire bouillonner la mer et libérer des centaines de milliers de tonnes de gaz.

Pour le Wall Street journal, c'est le général Valery Zaloujni, à l'époque commandant en chef de l'armée ukrainienne, qui supervise l'opération. Le président Volodymyr Zelensky aurait bien sûr donné son accord. Mais quand la CIA a eu vent de ce qui se préparait, elle lui a demandé de tout arrêter. Saboter le gazoduc, c'était aggraver la crise énergétique en Europe. Volodymyr Zelensky a suivi et donné l'ordre de suspendre l'opération. Sauf que l'équipage était déjà sur le voilier. "C'est trop tard", aurait répondu Zaluzhniy au chef de l’État : "C’est comme une torpille, une fois que vous l'avez lancée vers l'ennemi, vous ne pouvez pas la récupérer". De son côté, la justice allemande, qui a lancé un mandat d'arrêt contre l'un des plongeurs présents sur le voilier, est beaucoup plus prudente sur l'implication directe de Volodymyr Zelensky.

Kiev conteste toute implication

Jeudi, Kiev a contesté être à l'origine du sabotage : Valery Zaluzhniy, désormais ambassadeur d'Ukraine au Royaume-Uni, ce qui le protège des poursuites judiciaires, explique qu'il n'est au courant de rien et que, de toute façon, les forces armées ukrainiennes n'étaient pas autorisées à mener des missions à l'étranger. Le conseiller de la présidence Mikhailo Podoliak parle, quant à lui, d'un "non-sens absolu". Cette opération, dit-il, n'avait aucun intérêt pour l'Ukraine dans la mesure où Kiev risquait de se mettre à dos ses alliés occidentaux. Deux ans plus tard, les conclusions de l'enquête pourraient bien en effet refroidir à la fois Washington et Berlin, les deux plus gros fournisseurs de fonds et d'équipement militaire à Kiev.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.