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Sri Lanka : une catastrophe maritime et écologique sans précédent

Dans l'océan indien, l'île du Sri Lanka fait face à une catastrophe maritime et écologique inédite. Pendant 12 jours, un porte-conteneurs a brûlé sans discontinuer. Les autorités craignent maintenant son naufrage. Et une marée noire.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le porte-conteneurs en feu MV X-Press Pearl au large du Sri Lanka, le 30 mai 2021. (- / SRI LANKA AIR FORCE / AFP)

Imaginez un porte-conteneur de 186 mètres de long, avec à son bord 1500 conteneurs. Dont 25 tonnes d'acide nitrique, de l'éthanol et d'autres produits chimiques qui ont brûlé pendant 12 jours. Et qui, pendant 12 jours, ont dégagé des fumées noires et toxiques.

Imaginez qu'une bonne partie de cette cargaison s'est déversée dans la mer. Le tout à 17 kilomètres des côtes, dans une région qui est un haut lieu du tourisme et désormais interdite au public.

Imaginez des conteneurs qui passent par-dessus bord et libèrent des millions et des millions de petites billes blanches et dures en polyéthylène destinées à l'industrie de l'emballage. De billes qui se sont éparpillées sur les plages, à moitié fondues et mélangées à du pétrole, cinq tonnes au total. En certains endroits la couche de plastique et de débris atteint 60cm de haut. Voilà à quoi est confronté aujourd'hui le Sri Lanka.

Comme si cette double catastrophe ne suffisait pas, les autorités craignent maintenant une marée noire. Le propriétaire du bateau a beau expliquer que la coque va tenir le choc, personne ne veut voir du fioul se répandre dans cette zone de pêche par ailleurs très fréquentée par les dauphins.

Le président du Marine Environment Protection Authority (MEPA), l'Autorité de protection de l'environnement marin du Sri Lanka, a déclaré le mercredi 26 mai que 378 tonnes de pétrole se trouvaient à bord du navire et qu'environ la moitié pourrait s'écouler dans la mer après la fin de l'incendie. 

Les flammes sont sous contrôle depuis quelques jours, mais le navire est longtemps resté beaucoup trop chaud pour que les pompiers puissent l'approcher. Le mauvais temps a quant à lui empêché le déploiement de barrages flottants autour du navire. Dans le doute, les autorités se sont dites "prêtes" à nettoyer le pétrole qui atteindrait le rivage.

On ne sait pas vraiment ce qui est à l'origine de cet accident. Le MV X-Press Pearl faisait la liaison entre le Gujarat en Inde et Colombo, capitale économique du Sri Lanka, où il devait faire escale avant de rejoindre la Malaisie. Immatriculé à Singapour, c'est un navire très récent, qui avait été mis à l'eau il y a moins de trois mois.

Une fuite d'acide nitrique ?

L’incendie pourrait avoir été provoqué par une fuite d’acide nitrique, dont l’équipage avait connaissance depuis plusieurs jours. Une fuite qu'un port du Qatar avait notamment refusé de prendre en charge, "faute d'installations spécialisées ou d'expertise immédiatement disponibles".

Une enquête criminelle a été ouverte. Les interrogatoires ont commencé auprès des 25 membres d’équipage qui ont été évacués la semaine dernière et qui ont du respecter une période de quarantaine avant de pouvoir répondre à la police.

Les autorités sri-lankaises ont également porté plainte contre les propriétaires du navire pour pouvoir réclamer des dommages et intérêts, même si l’estimation des dégâts va prendre beaucoup de temps. Ils seront considérables : les experts craignent que les microplastiques polluent la mangrove et les lagons pendant encore plusieurs années. La pêche reste interdite dans la zone dans un rayon de 80 kilomètres. Le Premier ministre, Mahinda Rajapaksa, n’a eu d’autre choix que d’annoncer “une aide compensatoire d’urgence au bénéfice des pêcheurs” qui se retrouvent au chômage technique.

Cet accident relance le débat sur le transport des matières dangereuses. D'autant qu'il y a un an un pétrolier avait brûlé pendant une semaine entière au large du Sri Lanka.

La sécurité des conteneurs en question

Les départs de feu dans les conteneurs font partie des sujets qui inquiètent particulièrement la communauté maritime. Les réglementations existent bien sûr pour encadrer la sécurité des cargaisons, mais les assureurs et les ONG dénoncent un nombre beaucoup trop élevé de fausses déclarations et de conteneurs mal identifiés.

Des erreurs parfois dues à une méconnaissance des règles d’étiquetage, mais qui sont aussi souvent volontaires, pour éviter des coûts et des contrôles supplémentaires.

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