Turquie : comment le président Erdogan tente de faire revenir les investisseurs étrangers

Le ministre turc des Finances est aux Etats-Unis, pour des réunions de haut niveau avec des investisseurs et les institutions financières internationales. Sa mission : faire revenir les capitaux étrangers qui ont fui le pays ces dernières années.
Article rédigé par franceinfo - Anne Andlauer
Radio France
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Temps de lecture : 3min
Le président turc Recep Tayyip Erdogan à Istanbul le 8 mars 2024 (OZAN KOSE / AFP)

Les investisseurs étrangers, occidentaux en particulier, se sont détournés ces dernières années de la Turquie : depuis 2015, les investissements directs étrangers (hors immobilier) ont quasiment été divisés par deux. Il y a bien sûr des facteurs externes liés à la conjoncture internationale, qui est nettement moins favorable que celle dont la Turquie avait bénéficié dans les années 2000 – des années de prospérité qui ont aussi fait les succès électoraux de Recep Tayyip Erdogan. Mais il y a surtout des facteurs internes. Car même si la Turquie est restée stable politiquement (c’est le même parti, l’AKP, qui est aux affaires depuis 22 ans), son régime est devenu de plus en plus autoritaire. Et cela a eu un effet direct sur sa gouvernance économique.

La perte d’indépendance des institutions judiciaires et financières comme la Banque centrale, l’obstination du président pendant des années à ordonner des baisses de taux au nom de la lutte contre l’inflation (alors que c’est l’inverse qui est préconisé), ou encore le laisser-faire à l’égard du blanchiment d’argent dont ont profité toutes sortes de mafias et d'organisations criminelles internationales – ce qui a d’ailleurs valu à la Turquie de se retrouver sur la liste grise du Gafi (le groupe d’action financière)… Tout cela explique que ce pays n’inspire plus confiance aux investisseurs occidentaux, alors même que son économie est dépendante des capitaux extérieurs.

Les doutes des investisseurs étrangers... et de la population turque

Même si le gouvernement applique effectivement les politiques requises pour réduire l’inflation — qui dépassait encore les 68% sur un an le mois dernier — il n'est pas sûr que cela suffise. Parce que la méfiance des investisseurs est liée, dans le fond, à l'imprévisibilité de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Et pas seulement au niveau économique, mais aussi au niveau de l'état de droit, car on a vu que les deux étaient liés. Recep Tayyip Erdogan sera-t-il capable, a-t-il seulement l'intention d'améliorer les choses de ce côté-là ? D'améliorer, par exemple, l'indépendance de la justice ? Comme il est permis d'en douter, on peut douter aussi qu'il arrive à redonner entièrement confiance aux investisseurs étrangers.

Quant aux Turcs eux-mêmes, si l’équipe nommée par Erdogan applique le programme annoncé, ils peuvent s’attendre à une politique de rigueur visant à freiner la demande pour réduire l’inflation, donc à une hausse du chômage. Symbole de cette période d’austérité qui semble s’ouvrir : le gouvernement vient d'annoncer qu’il n’y aurait pas de nouvelle hausse du salaire minimum cette année, contrairement à ce que des millions de travailleurs turcs avaient espéré.

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