Cet article date de plus de douze ans.

Le bilan d'Obama vu d'Atlanta

A la veille du début de la Convention républicaine à Charlotte (Caroline du Nord), nous nous intéressons au bilan de Barack Obama à la tête des Etats-Unis. Il y a 4 ans, l'élection du premier président afro-américain de l'histoire des Etats-Unis avait suscité une vague d'espoirs. Quel regard la communauté noire américaine fait-elle du mandat d'Obama ? Reportage à Atlanta, capitale de la Géorgie, où 55% de la population est Afro-américaine.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (©)

Atlanta est l'une des villes qui a voté le plus
massivement pour Barack Obama, en 2008: 98% des Afro-américains l'ont choisi.
Une victoire en forme de raz-de-marée pour le président américain. A
quelques blocs des sièges de Coca-Cola et CNN, Jason -cuisinier de 30 ans et
père d'une fillette de 1 an, dit son enthousiasme. "Barack,
c'est un vrai modèle pour la communauté noire parce qu'il a démontré qu'à force
de volonté, on finit par arriver à ce qu'on veut. Il nous prouve que les Noirs
peuvent faire autre chose que gangster ou trafiquant de drogue. Et depuis qu'il
a été élu, j'ai remarqué que la vie de plein de gens de couleurs a changé, ils
ont trouvé du travail ! Je pense aussi que c'est l'un des présidents
les plus cools que nous ayons eus, il joue au basket, il boit de la bière,
comme n'importe quel Américain ! Mais le moment venu, il sait aussi
travailler dur ! J'ai voté pour lui en 2008 et je voterai encore pour lui
cette année !".

L'homme, au moins, est très apprécié. Il renvoie
l'image du bon père de famille, 2 enfants, une épouse très populaire, souvent
citée en exemple, cela donne une jolie photo de famille et ça plaît beaucoup.
Mais tous les Afro-Américains ne partagent pas ce bel enthousiasme. Dans
la communauté noire, le taux de chômage est de 16%, le double de la
moyenne nationale. Il y a trois fois plus de familles sous le seuil de pauvreté
que chez les Blancs, si bien qu'aux Etats-Unis, beaucoup d'Afro-Américains
-comme Alvin, un éducateur de 47 ans, reprochent à Barack Obama de ne pas
tendre davantage la main à la communauté noire. "Vous savez, les
Africains-Américains ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à sa campagne.
Ils seraient en mesure d'attendre un peu plus de soutien de la part du
Président. Et il ne fait rien. Je m'attendais à autre chose.  Il faudrait investir plus de moyens pour
créer des emplois et proposer des formations pour aider les gens à travailler,
au lieu de les mettre en prison. S'il n'a pas assez de voix cette année pour
être élu, ce sera parce qu'il n'a pas suffisamment aidé les gens qui l'ont
soutenu".

Discouts musclé

Loin de soutenir spécifiquement les
Afro-Américains, Barack Obama tient même un discours musclé quand il s'adresse
à la communauté noire  Il exhorte les Afro-américains à se prendre en
charge, demande aux parents de ranger les consoles de jeux, de coucher les
enfants pas trop tard. Et étonnamment, ce discours est plutôt bien accueilli
explique Shannon, étudiante de 18 ans sur le campus de Georgia Tech, à
Atlanta. "Je comprends ce qu'il veut dire, il explique que ce
n'est pas parce qu'on est Afro-Américain, qu'on a le droit de faire ou de ne
pas faire certaines choses. Il veut nous tirer vers le haut. Il faut
casser les clichés qui existent sur la communauté, pour améliorer le regard des
gens sur nous. Et c'est ce qu'il attend de nous. On n'a pas d'excuse, même
si être afro-américain rend les choses plus compliquées...".

Progression du racisme 

Malgré l'élection de Barack Obama, être noir aux
Etats-Unis reste un handicap. Racisme et discriminations ont progressé depuis
l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche dans tous les domaines,
l'éducation, l'emploi, le logement, l'administration. Les stéréotypes ont la vie
dure et Barack Obama a suscité une haine aveugle estime le pasteur Samuel
Mosteller, président de la SCLC, une association de défense des droits civiques
fondée par Martin Luther King.  "La suprématie blanche était en
sommeil jusqu'à l'élection d'un président noir.Certains se sont dits : 'oh
mon Dieu, ils prennent le contrôle sur tout'. Voilà le raisonnement. Il y a
même des Blancs qui  pensent qu'il va y
avoir une guerre raciale et ils achètent des armes et des munitions. Le racisme
est monté en flèche Certains ne supportent pas d'avoir un président noir et
sont très en colère. Et comme ils ne peuvent pas s'en prendre directement au
président, ils répercutent leur haine sur les noirs autour d'eux, au travail, à
l'école... et cela affecte nos vies tous les jours". 
Et on peut
citer un cas récent de racisme, survenu la semaine dernière à Tampa, en
Floride, lors de la convention républicaine. Deux hommes ont lancé des
cacahuètes à une journaliste noire de CNN.

Une communauté moins mobilisée

A deux mois de l'élection présidentielle, Barack
Obama ne recevra probablement pas le même soutien de la part de la communauté
afro-américaine. Il y a 4 ans, à Atlanta, 98% des Noirs avaient voté pour
lui. Cette fois, selon un sondage réalisé le mois dernier, ils ne seraient plus
que 76% à lui faire confiance. Ces chiffres illustrent un certain
désenchantement note Edward DuBose, président de l'association de défense des
droits des gens de couleur, à Atlanta. "Quand il a été élu, tout le
monde le voyait comme Superman ou comme un magicien qui allait régler tous les
problèmes. Maintenant, on se rend compte qu'il est humain et cela va être. Et
certaines personnes de notre communauté, qui sont au chômage, sont frustrées et
vont sans doute s'abstenir d'aller voter. Donc ce sera sans doute
serré. Le président fait aussi controverse, en étant favorable au mariage
homosexuel. Notre communauté est très religieuse et des gens ont été
choqués par cela. Donc, ce sera une élection plus compliquée pour lui,
cette année". 

La cote de popularité de Barack Obama reste
quand-même très forte parmi les électeurs afro-américains. Le vote noir lui
reste majoritairement acquis. En 2008, Barack Obama avait amené aux urnes 2
millions de noirs qui n'avaient pas voté les années précédentes. Il n'est pas
certain qu'il réalise le même tour de force, cette année.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.