Les emplois-jeunes sont-ils efficaces ?
Cet emploi-jeune, c'était "comme une revanche",
raconte Nadia, aujourd'hui âgée de 30 ans. Elle se souvient qu'au lycée, son
conseiller d'orientation lui disait qu'elle n'était pas bonne à faire
grand-chose. Mais il y a 10 ans, en 2002, à Perpignan, elle a décroché un poste
à la Mutualité française. Elle participait à l'organisation de conférences sur
les risques de la drogue.
Aujourd'hui, elle est devenue cadre dans une autre association à Paris. Et pour
cette fille d'ouvrier, qui n'avait pas de réseau dans le monde du travail,
l'emploi-jeune a été une vraie chance : "J'avais 20 ans, le bac en
poche, mais je n'étais pas née avec une cuillère d'argent dans la bouche, donc
je ne savais absolument pas quelle direction prendre. J'ai trouvé ma voie grâce
à ce premier contrat. Une opportunité qui est arrivée pour moi, où l'on ma
laissé ma chance juste avec un petit niveau. Embauchée sur la base d'un poste
d'assistante, je n'avais que des petites missions. Mais par la suite j'ai pris
plus de responsabilités. Grâce à mon emploi-jeune j'ai pu intégrer une
formation qui m'a fait valider un bac +3. J'ai aussi un grand frère qui a
bénéficié de ce type de contrat. Il a intégré la police nationale. C'est pareil
que moi, c'était un jeune qui était perdu après son CAP. L'emploi-jeune l'a
sauvé pendant cinq ans, ensuite il a passé le concours de la police et
aujourd'hui il est gardien de la paix."
** "Cela m'a permis de prendre de l'assurance, et aussi de finir mon BTS en cours du soir. J'avais un diplôme reconnu bac+2."
Ce type de réussite ne concerne pas uniquement le secteur
associatif ou la fonction publique. Parfois, les emplois-jeunes ont aussi
ouvert des débouchés vers les entreprises privées. C'est ce que montre
l'exemple de Philippe. Ancien emploi-jeune dans l'Education nationale à partir
de 1998, ce Nantais était payé aux environs du SMIC. Mais il a cherché à évoluer.
Au bout de deux ans il a décroché un contrat chez un employeur privé : "Initialement,
je m'occupais de l'informatique dans un lycée. C'était mon premier poste,
hormis les emplois saisonniers. Cela m'a permis de prendre de l'assurance, et
aussi de finir mon BTS en cours du soir. J'avais un diplôme reconnu bac+2. Et
l'emploi-jeune m'a également permis de faire des stages et de rencontrer
d'autres personne. Grâce aux relations que j'avais nouées, j'ai trouvé un
travail dans une entreprise privée qui faisait de l'informatique dans les
écoles."
70% ont trouvé un poste en CDI
Ces témoignages positifs sont globalement représentatifs.
Dans l'ensemble, les emplois-jeunes ont permis à leurs bénéficiaires de s'insérer
durablement sur le marché du travail. Malgré les critiques de la droite qui a
régulièrement parlé d'assistanat ou encore d'emplois sans lendemain, les
résultats du dispositif Jospin sont plutôt bons, si l'on en croit une étude publiée
par le ministère du Travail en 2006, citée par l'Expansion. Selon cette
enquête, 70 % des emplois-jeunes avaient réussi à trouver un poste en CDI,
un an et demi après la fin de leur contrat aidé par l'Etat. Un chiffre toutefois nuancé par Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques : "Les emplois-jeunes ont été mis en place à une époque où la situation économique du pays était bonne. Entre 1998 et 2000, il y a eu plus de 3,5 % de croissance en moyenne annuelle, et donc il est plus facile de retrouver du travail dans ces conditions. Aujourd'hui, la conjoncture est beaucoup moins bonne, cela risque de durer plusieurs années, et on peut penser que les titulaires de contrats d'avenir, les nouveaux emplois-jeunes, auront plus de mal à poursuivre leur vie professionnelle après la fin de leur contrat."
Comme pour toute mesure, des effets pervers ont aussi été
recensés. A l'époque Jospin, de nombreux emplois-jeunes ont été attribués à des personnes
surdiplômées pour ce type de poste. Philippe Askénazy, économiste au CNRS, déplore ainsi une dévalorisation
de certains diplômes : "40 % des emplois-jeunes avaient un bac+2. Et ils étaient payés au SMIC. Ils ont forgé une sorte de valeur du jeune, juste au niveau du salaire minimum. C'est ce que l'on appelle dans les pays méditerranéens les 'milleuristes', ceux qui sont rémunérés mille euros par mois. Les emplois-jeunes ont donc joué un rôle de dépréciation de certains diplômes, en dépréciant aussi les jeunes et sous-entendant qu'ils doivent forcément être payés au SMIC au départ. C'est la face sombre du bilan de la mesure Jospin."
Moins de postes, moins longs
Le gouvernement actuel jure ne pas vouloir commettre les
mêmes erreurs. A priori les nouveaux emploi-jeunes, les contrats d'avenir,
seront avant tout destinés à un public peu qualifié. Ce dont se réjouit Saïd
Hammouche, directeur de l'association Mozaïk RH, spécialisée dans
l'accompagnement des jeunes des quartiers : "Ce serait un tremplin
pour des personnes qui souvent n'ont jamais vu un recruteur et n'ont jamais
participé à un entretien d'embauche. Il va falloir les soutenir, et cela
concerne surtout ceux qui sont sortis du système éducatif sans diplôme, et qui
ont envie de s'en sortir. C'est le critère du mérite qui doit prévaloir.
Ensuite ces jeunes paieront des impôts et deviendront des consommateurs, tout
cela apporte de la richesse à la Nation."
On a répété que ces nouveaux contrats d'avenir allaient
beaucoup ressembler aux emplois-jeunes de Lionel Jospin. Quelques différences
de taille, toutefois : ils seront moins nombreux, 150.000 sous le
quinquennat de François Hollande, au lieu de 350.000 sous l'ère Jospin. Et la
durée sera moins longue : trois ans maximum, contre cinq ans auparavant.
Le gouvernement, qui a annoncé son intention de réduire les déficits publics,
ne veut pas trop dépenser d'argent. Le coût des contrats d'avenir pour l'Etat
est tout de même évalué à 1,5 milliard d'euros par an.
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