Colère des agriculteurs : les questions des auditeurs sur le traitement éditorial sur franceinfo de la mobilisation du monde agricole

Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction pour répondre aux questions des auditeurs avec la médiatrice des antennes de Radio France, Emmanuelle Daviet.
Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Des agriculteurs en colère à Beaune, le 26 janvier 2024. Des pneus et du lisier sont déversés devant une enseigne de grande distribution. (Illustration) (EMMA BUONCRISTIANI / MAXPPP)

Nous évoquons aujourd’hui le traitement éditorial sur l'antenne de franceinfo de la mobilisation du monde agricole. Des auditeurs regrettent d’entendre essentiellement la FNSEA et s’interrogent sur la position de la Confédération paysanne. Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction répond aux questions des auditeurs avec Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France.

Emmanuelle Daviet : Quelle a été votre démarche éditoriale pour couvrir cette actualité ? Fallait-il donner la parole aux différents représentants du monde agricole ?

Florent Guyotat : Alors d’abord, c’est vrai qu’on a beaucoup entendu la FNSEA, tout simplement parce que c’est le syndicat agricole majoritaire en France. Mais nous avons veillé aussi à respecter la diversité des organisations. Nous avons beaucoup parlé du Lot-et-Garonne, un département très touché par la mobilisation. Et dans ce département, c’est un autre syndicat, la Coordination rurale, qui a amené la contestation, qui a projeté, on s’en souvient, du lisier sur la préfecture d’Agen.

Et c’est ce que l’on a pu entendre dans le reportage de notre envoyé spécial, Alain Gastal, qui a interrogé un militant de la Coordination rurale, Jean-Pierre : "On a mis le feu devant les grilles, oui, on a continu le feu. On a allumé des pneus. Des pneus, ça ne va pas gagner... Autour de la préfecture, c’est que du béton, mais de l’enrobé. On a passé des choses de l’autre côté la préfecture, des pneus, tout ça mais qui ne sont pas allumés, de la boue ou de la paille. Mais après on est des gens responsables. On ne peut pas mettre le feu à des bâtiments. On n'en est pas encore là."

Florent Guyotat : Parole donc à la Coordination rurale, et également à une autre organisation, la Confédération paysanne, traditionnellement beaucoup plus à gauche, beaucoup plus centrée sur le bio. La Confédération paysanne a rejoint le mouvement cette semaine, et José Bové, le cofondateur de cette organisation, était l’invité de franceinfo. C’était mardi dernier.

José Bové : "Pour beaucoup de paysans qui sont étranglés, ils ne comprennent pas qu’on leur demande des efforts d’un côté, et qui sont des efforts justes sur le réchauffement climatique, alors qu’ils n’ont pas de revenus. Et on voit une élimination des paysans comme jamais depuis 10 ans, 20 ans, parce qu’on ne peut pas continuer à concentrer les productions, et à faire disparaître les petites fermes, avec d’un côté des fermes usines, et de l’autre côté des éleveurs qui crèvent, parce qu’ils n’ont pas les aides dont ils ont besoin."

Emmanuelle Daviet : Autres remarques d’auditeurs : "Comme moi, beaucoup de professionnels de l’agriculture ne se sentent pas solidaires de ces revendications. Pourriez-vous dire : 'certains agriculteurs en colère', plutôt que 'LES agriculteurs en colère'. Ce serait bien plus exact et cela éviterait à des agriculteurs de se sentir associés à des demandes qui sont à l’opposé de leurs convictions."

Un autre agriculteur écrit : "S’il vous plaît, ne parlez pas DES agriculteurs, lorsque la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs manifestent."


Des auditeurs regrettent une forme de généralisation des individualités qui composent le monde agricole, que répondez-vous à cette remarque ?

Florent Guyotat : Vous avez raison, c’est toujours plus prudent d’éviter les généralisations. Mieux vaut dire 'des agriculteurs' dans la rue, ou 'des enseignants' dans la rue, plutôt que les enseignants dans la rue et les agriculteurs dans la rue. Avec une nuance tout de même, il y a un constat qui s’impose cette semaine, le mouvement s’est révélé massif, et au-delà des différences, il y a beaucoup de points communs entre les agriculteurs que nous avons entendus. L’un de ces points communs, c’est le revenu. Un revenu jugé manifestement insuffisant, comme par cet éleveur rencontré cette semaine dans la Manche.

Un éleveur de la Manche : "Ça fait 25 ans que je suis installé, ça fait 25 ans que je gagne la même somme tous les mois". Jamais vous n'avez pu augmenter votre salaire ?  "Du tout. Si, une fois, on a dû augmenter de 100 euros, et il y a 10 ans maintenant, aujourd'hui on est à 1500 euros".
Là aujourd’hui vous gagnez 1 500 euros par mois, et depuis 25 ans, vous n’avez pu augmenter que de 100 euros ? "Oui".
Des propos recueillis pour franceinfo par le reporter de France Bleu Cotentin, Antoine Lifaut.

On termine avec cette question : "Comment les journalistes de votre rédaction se préparent pour couvrir un sujet si dense, et qui nécessite une approche experte ? On ne peut pas s’improviser spécialiste agriculture du jour au lendemain", estiment des auditeurs.
Quelles sont les méthodes de préparation des journalistes pour aborder des dossiers complexes ?

Florent Guyotat : Nous avons des reporters sur le terrain. On a entendu, à l’instant, certains de leurs témoignages. Et puis nous avons d’autres journalistes qui, eux, restent en studio, et qui sont chargés d’apporter des éclairages plus précis sur des points clés à nos auditeurs. Ce sont, vous savez, les fameuses rubriques, "Expliquez-nous", dont je vous parlais déjà la semaine passée, lorsque nous évoquions le débat enseignement public/enseignement privé.

Nous avons par exemple expliqué cette semaine à nos auditeurs ce qu’était la loi EGALIM, un élément essentiel pour comprendre le conflit en cours. Nous avons aussi expliqué quelle était la rémunération moyenne des agriculteurs, quel était le taux de suicide dans cette profession et quelles étaient les règles pour l’importation de produits venant de pays extérieurs à l’Union européenne.

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