L’A69 : l'enquête de la cellule investigation de Radio France

Les auditeurs ont écrit à la suite de l'enquête de la Cellule Investigation de Radio France sur l'A69. Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France reçoit Benoît Collombat, journaliste à la cellule investigation de Radio France.
Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Toulouse, le 21 avril 2024. Manifestation dans les rues de Toulouse contre l'autoroute A 69 entre Toulouse et Castres. (Illustration) (LAURENT DARD / MAXPPP)

Nous avons reçu des messages très élogieux après l'enquête de la Cellule Investigation de Radio France sur l'A69, qui montre comment le groupe pharmaceutique et dermocosmétique Pierre Fabre, a soutenu activement le projet d’autoroute Castres-Toulouse, grâce à des relais politiques et à une stratégie d’influence efficace. Une enquête de Benoît Collombat. 

Alors, on le sait, ce projet d’autoroute ne fait pas l’unanimité. Plusieurs associations environnementales s’y opposent depuis des mois. Et lorsque l’on écoute habituellement les reportages consacrés à l’A69, c’est plutôt l’angle de la protection de l’environnement ou de la biodiversité qui est le plus souvent évoqué.

Emmanuelle Daviet : Benoît Collombat, comment vous est venue l’idée de creuser les aspects financiers et politiques de ce dossier, vous demandent des auditeurs ?

Benoît Collombat : Je dirais qu’il y a une intuition, et une question à l’origine de cette enquête. L’intuition, il se trouve qu’il y a cinq ans, j’ai déjà travaillé sur les autoroutes. J’ai publié une longue enquête en mars 2019, sur l’histoire secrète de la privatisation des autoroutes et déjà, je me suis intéressé à ces aspects-là. Il était notamment question à l’époque, d’un accord de 2015, qui était très favorable aux sociétés concessionnaires d’autoroutes.

À l’époque, Manuel Valls était Premier ministre et Emmanuel Macron, ministre de l’Économie. Et donc il y a eu déjà tout un débat autour de cette question-là. Et j’avais découvert et révélé à l’époque que les sociétés autoroutières s’intéressaient également aux routes nationales, pas seulement aux autoroutes, mais aux routes nationales. Donc j’avais déjà cette idée-là derrière la tête.

Et la question est venue justement autour de l’opacité à nouveau, autour cette fois du contrat et des annexes de l’autoroute A69, que n’arrivaient pas à consulter un certain nombre de parlementaires. On mettait en avant le secret des affaires. Il se trouve qu'en février dernier, une commission d’enquête parlementaire, justement, s’est créée, pour regarder ça de plus près.

Et alors, comment avez-vous tiré le fil de cette enquête très documentée ?

Alors l’image du fil est très bonne, parce que le sujet est très dense. Il y a beaucoup d’interlocuteurs, c’est un peu comme un labyrinthe, donc il ne faut pas se perdre. Il faut vraiment suivre ce fil. Alors la méthode, c’est un peu toujours la même. Elle n’est pas propre à cette enquête.

Je dirais qu’il y a deux temps, il y a une phase d’immersion, on essaie de comprendre ce qui se passe, un peu comme une carte géographique finalement, pour ne pas se perdre encore une fois, identifier les acteurs principaux, comprendre les mécanismes qui sont à l’œuvre, et une deuxième phase, où on essaye justement d’aller rencontrer ces acteurs et ces témoins, le recueil de témoignages.

Pour le dire autrement, je dirais que c’est une enquête par le bas, et par le haut. L’enquête par le bas, il faut rencontrer les personnages clés de cette histoire, et l’enquête par le haut, c’était d’aller voir derrière les sociétés qui étaient intéressées financièrement, justement, à l’autoroute A69. Cela veut dire aller regarder notamment dans leurs comptes, et c’est comme ça qu'en allant regarder dans les comptes d’une société au Luxembourg, j’ai découvert que la société Pierre Fabre était bien intéressée économiquement, juridiquement, au contrat, contrairement à ce que l’entreprise avait dit jusqu’ici.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour réunir tous ces éléments ?

J’ai commencé à travailler sur cette enquête en janvier dernier, et donc ça a été trois mois ininterrompus jusqu’à la publication.

Des auditeurs souhaitent savoir si vous allez continuer à enquêter sur ce sujet. On sait que vous êtes un spécialiste des investigations au long cours. Comment suivez-vous ce type de dossier ?

Il faut savoir que d’une manière générale, nos enquêtes ne nous quittent jamais. Mais pour qu’on y revienne, c’est-à-dire qu’on reste en contact avec nos sources, évidemment, on continue à avoir un œil sur l’enquête en question, mais pour qu’on y revienne à nouveau, c’est la vocation de la cellule investigation de Radio France, il faut qu’il y ait une valeur ajoutée importante. Il faut qu’il y ait de nouvelles révélations, qu’on puisse apporter au débat public. Et si c’est le cas dans l’A69, évidemment, on le fera.

D’ailleurs, j’indique que les auditeurs dans les messages qu’ils nous ont adressés vous donnent également des pistes de recherche que vous pourriez avoir ?

C’est une source comme une autre, bien évidemment, on en tient compte.

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  • L'enquête de la cellule investigation de Radio France - Benoît Collombat

"Conflit d’intérêts, opacité financière… Dans les coulisses du projet controversé de l'A69"

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