Cet article date de plus de trois ans.

Le rendez-vous de la médiatrice. Les États-Unis d'Amérique : le choix des mots

Donald Trump est devenu cette semaine le premier président des États-Unis à être mis en accusation pour la deuxième fois au Congrès, sept jours avant la fin de son mandat qui s'achève dans un climat d'extrême tension. 

Article rédigé par franceinfo, Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
14 janvier 2021. Des fleurs sont placées sur une clôture, à la mémoire du policier du Capitole assassiné, Brian Sicknick,à Washington, DC, une semaine après qu'une foule pro-Trump est entrée par effraction et a pris le contrôle du Capitole. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Intense actualité américaine ces dernières semaines : l'intrusion des partisans de Donald Trump dans le Capitole, notamment. Pour répondre aux questions des auditeurs. Jean-Marc Four, le directeur de la rédaction internationale de Radio France est au micro de la médiatrice des antennes, Emmanuelle Daviet  

Emmanuelle Daviet : Àpropos des États-Unis d’Amérique, des auditeurs nous écrivent que contrairement à ce qui est dit sur l’antenne par des commentateurs ou des invités, "les États-Unis ne sont pas la plus vieille démocratie du monde, loin de là" ? Qu’en est-il ?

Jean-Marc Four : Oui, c’est une remarque tout à fait pertinente. C’est effectivement un abus de langage. Ce n'est en aucune manière la plus vieille démocratie du monde. Il faut remonter à l’Antiquité. Évidemment, Athènes, Carthage, Rome, etc. Et même dans l’histoire moderne, c’est plutôt l’Angleterre. À ce compte-là, avec son régime parlementaire et l’Habeas corpus, qui est devenue une démocratie avant les États-Unis. Cela étant, les États-Unis sont devenus quand même une démocratie avant la France. Mais c’est un abus de langage, en effet.

On entend également sur l’antenne que les États-Unis d’Amérique sont la plus grande démocratie au monde. Les auditeurs nous disent que c’est faux. Qu’en pensez-vous ?

Mais ils ont raison aussi. C’est encore une fois un abus de langage. C’est évidemment la plus grande démocratie au monde par la population. En tout cas, c’est évidemment l’Inde aujourd’hui, avec son milliard trois cents millions d’habitants et près de 900 millions d’électeurs. Donc, là encore, c’est une forme de facilité. En tout cas, ce n’est pas non plus la plus grande démocratie du monde.

Comment expliquez-vous la permanence de ces expressions dans le discours médiatique? 

Je dirais qu’en fait, c’est clairement une influence de ce qu’on a coutume d’appeler le "soft power" américain. Vous savez, c’est cette influence intellectuelle, culturelle. En fait, ça adopte le point de vue américain parce que ce sont les États-Unis qui se revendiquent comme "la plus grande démocratie du monde", qui se voient comme  "The beacon of democracy", c’est la formule qu’a utilisée Joe Biden, il y a quelques jours pour dire "le phare, le guide de la démocratie".

Ça peut s’expliquer parce qu’évidemment, depuis ce qui s’est passé au XXe siècle, et notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, effectivement, les États-Unis peuvent se présenter comme le protecteur du monde démocratique pluraliste. Mais de fait, ça consiste en fait à adopter le point de vue des États-Unis.

Autre message d’un auditeur : "Je suis étonné d’entendre vos journalistes utiliser le terme anglais 'impeachment'. La traduction française "destitution" n’est-elle pas correcte ?"

Alors, il y a une différence. Ce n’est pas tout à fait la même chose : "impeachment" et destitution. C’est dire que c’est la différence entre la procédure et le résultat de la procédure. Je m’explique. Aujourd’hui, à l’instant où je vous parle, là, il y a "impeachment", dès l’instant où Donald Trump a été mis en accusation. Mais il n’y a pas destitution. Il n’y aura destitution que si le procès aboutit à sa condamnation.

Je vais prendre une autre image. Vous prenez la route entre Marseille et Bordeaux. Dès l’instant où vous êtes sur la route, "Impeachment", il n’y aura destitution que si vous arrivez à Bordeaux, il y a des écueils sur la route.

Un auditeur nous écrit que le 25e amendement envisagé pour que Donald Trump quitte le pouvoir n’est pas un amendement. C’est un article de la Constitution. Voici un extrait du message de cet auditeur. "Il est lassant d’entendre cette faute de traduction commise depuis des décennies à propos des multiples articles de la Constitution américaine. Étrange Constitution qui ne serait constituée que d’amendements. À en croire nos politologues, il est curieux que personne ne se soit fait la remarque, notamment au sein des rédactions." 

Jean-Marc Four, que répondez-vous à cette observation ? 

Alors pour le coup, pas tout à fait d’accord. La Constitution américaine est composée à la fois d’articles et d’amendements. Au départ, il y avait 7 articles de la Constitution américaine des pères fondateurs ; c’est vraiment la clé de la répartition des pouvoirs au sens de Montesquieu, le pouvoir législatif, le pouvoir présidentiel, etc. etc. Et ensuite se sont rajoutés les amendements. Il y en a 27 au total, dont les 10 premiers constituent ce que l’on appelle la Déclaration des droits. Mais il y a les deux.

En fait, il y a des articles et des amendements, par exemple. L’article 2 de la Constitution américaine définit les pouvoirs du président. Le deuxième amendement, lui, il autorise le port d’armes. Rien à voir donc.  

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.