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Le rendez-vous du particulier. Le business des croisières

Les bateaux de croisière et les séjours sur les mers remportent de plus en plus de succès auprès des touristes. 28 millions de voyageurs ont opté pour cette formule en 2018. Une croissance qui n'est pas sans risques pour l'environnement et pour les riverains. Un dossier du mensuel "Le Particulier".

Article rédigé par franceinfo, Olivia Ferrandi
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les bateaux de crosière sont de plus en plus nombreux à accoster à Marseille, amenant avec eux un panache de pollution. (MAXPPP)

Pour un week-end ou pour un tour du monde pendant huit mois, les touristes sont de plus en plus attirés par les croisières, que ce soit sur un catamaran, ou sur l’un de ces monstres des mers, dotés de plusieurs étages. Des bateaux très critiqués pour la pollution qu’ils génèrent, mais qui, malgré tout, séduisent les vacanciers. Encore faut-il avoir le portefeuille bien garni, car c’est un sacré business.  

Pascal Frasnetti a fait les comptes pour le mensuel Le Particulier. Il a observé à la loupe les offres qui se sont développées à la vitesse grand V ces dernières années.

franceinfo : C’est un marché qui concerne combien de personnes ?  

Pascal Frasnetti : En 2018, 28 millions de voyageurs dans le monde ont choisi la croisière. C’est une activité en plein développement - ils n’étaient que 11 millions en 2000 - mais surtout c’est une activité en plein rajeunissement avec une moyenne d’âge de 48 ans à bord, en 2018. Quasiment un tiers des voyageurs ont moins de 40 ans, et 37% pour les plus de 60 ans. On est donc sorti des clichés qui apparentent la croisière à un club de 3e âge !  

Combien ces touristes sont-ils prêts à dépenser pour une croisière ?  

La gamme de prix est aussi étendue que l’offre hôtelière à terre, même si, en croisière, tous les repas sont inclus. Nous avons fait une comparaison sur une croisière d’une semaine en Grèce cet été pour deux personnes : les prix relevés varient de 3 000 euros sur un grand paquebot embarquant 2 400 passagers, et jusqu’à 13 000 euros sur un yacht de luxe de 62 passagers.  

Il en existe pour tous les budgets : dans les catalogues actuels, la croisière la moins chère c’est 55 euros par personne pour deux jours en Méditerranée et la plus chère, c’est un tour du monde proposé aux alentours de 80 000 euros, toujours par personne, pour 245 jours en mer !  

Ces formules "tour du monde", qui avaient été abandonnées dans les années 1990 réapparaissent, traduisant une certaine "folie des grandeurs" ?   

Oui, il existe une offre tours du monde assez variée, au départ de Southampton, New York, Miami ou de plusieurs ports de Méditerranée. Alors ça n’est pas donné à tout le monde, il faut bien sûr du temps : au minimum une centaine de jours pour faire le tour de la planète sur la mer, si vous avez moins de temps, vous pouvez parfois les découper pour ne réaliser qu’un tronçon du parcours proposé. Surtout, il faut de l’argent, compter au moins 12 500 euros pour un tour du monde de 117 jours au départ de Marseille et, on l’a dit, jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros.  

Mais, sans parler des tours du monde, la folie des grandeurs que vous évoquiez concerne la plupart des grands paquebots qui rivalisent d’imagination pour séduire les vacanciers avec des activités incroyables : simulateur de Formule 1 ou piste de kart, accrobranche ou tyrolienne et puis aussi des spectacles : une compagnie a signé un partenariat avec le Cirque du Soleil, d’autres proposent des comédies musicales avec la licence de Broadway…  

Donc des activités qui font de ces monstres des mers un paradis, notamment pour les jeunes et les ados, d’autant que ces activités sont incluses dans votre forfait. Ce qui peut faire exploser la facture, en revanche, c’est bien sûr le choix des cabines : certaines n’ont plus rien à envier aux suites les plus luxueuses des grands hôtels avec des duplex, des jacuzzis, des balcons.  

Pour maîtriser son budget, il faut ensuite surveiller les dépenses non incluses comme les boissons, les dîners dans les restaurants de spécialité et bien entendu les options comme le spa ou les excursions par exemple. Je n’ai pas évoqué la dernière tendance : l’accès à une île privée. Deux compagnies viennent d’ouvrir leur île aux Bahamas, donc réservée aux croisiéristes le temps d’une escale.  

Des compagnies très critiquées pour la pollution que leurs bateaux génèrent ?  

Alors évidemment, le navire se déplace en permanence pour vous permettre de découvrir de nouvelles escales. Donc, comme tout moyen de transport, il génère des émissions polluantes. Le problème, c’est que la plupart des grands paquebots utilisent encore un fioul lourd, moins raffiné que celui des véhicules terrestres.

  Donc les rejets d’oxydes de soufre, d’azote, de dioxyde de carbone et de particules fines dans l’atmosphère sont élevés. Une question d’autant plus brûlante que ces navires peuvent aujourd’hui croiser dans des zones jusqu’alors épargnées par le tourisme, y compris le Groenland, l’Alaska ou l’Antarctique…  

Il faut aussi évoquer les problèmes de nuisance pour les habitants : certaines villes comme Venise tentent de réagir. La cité des Doges a voté l’interdiction pour les plus grands navires d’accoster directement sur le canal de la Giudecca, même si la mesure n’est toujours pas appliquée. On peut également citer l’archipel Chesterfield en Nouvelle-Calédonie, où l’hostilité de la population locale a obligé une compagnie à renoncer à son projet d’escale dans ce sanctuaire corallien.  

Alors bien entendu, les compagnies réagissent. Les derniers bateaux livrés sont équipés de catalyseurs pour filtrer les particules. Certains fonctionnent également au gaz naturel liquéfié, qui réduit très sensiblement les rejets d’émissions polluantes. L’enjeu, c’est aussi de se brancher sur le réseau électrique local lors des escales afin de couper les moteurs. Malheureusement, ce n’est pas encore possible dans les ports de la Méditerranée.

Et puis il y a d’autres initiatives pour la gestion des déchets à bord ou la redistribution des surplus alimentaires non consommé à des associations locales lors des escales. Bref, les compagnies de croisières sont aujourd’hui très concernées par toutes ces questions écologiques.  

Un dossier à retrouver dans le mensuel Le Particulier.  

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