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Le sens des mots. "Crise", une dimension positive à l'origine.

Tout l'été sur franceinfo, Marina Cabiten et la sémiologue Mariette Darrigrand s’arrêtent sur les termes qui ont marqué l’actualité de l’année écoulée. Aujourd'hui, la crise.

Article rédigé par Marina Cabiten
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Après la crise sanitaire, les soignants se sont mobilisés pour dénoncer la crise que traverse les hôpitaux le 14 juillet. (OLIVIER DONNARS / LE PICTORIUM / MAXPPP)

"Crise" est incontournable du vocabulaire médiatique : crise sanitaire, économique, du logement ou encore la fameuse réunion de crise. Ce mot nous dit que la situation est très mauvaise. La crise est pourtant moins sombre que l'on ne le pense. 

Franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. "Crise" comporte aussi à l'origine une dimension positive.

"Crise" est incontournable du vocabulaire médiatique : crise sanitaire, économique, du logement ou encore la fameuse réunion de crise. Ce mot nous dit que la situation est très mauvaise. La crise est pourtant moins sombre que l'on ne le pense.

franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. "Crise" comporte aussi à l'origine une dimension positive.

Mariette Darrigrand : Tout à fait, ce mot vient du vocabulaire de la médecine, mais au départ il ne voulait pas du tout dire maladie comme aujourd'hui lorsque l'on parle d'une crise d'urticaire ou d'une crise de colique néphrétique. En grec ancien, "crise" se réferre au diagnostic. Cela voulait dire "avoir la bonne interprétation des symptômes".

Qui dit crise dit moment charnière, celui où on a identifié le problème. Le point de départ pour pouvoir s'y atteler. C'est ce que n'ont pas manqué de souligner récemment différentes personnes, comme le personnel hospitalier ou les défenseurs de l'environnement.

Mariette Darrigrand : Oui, parce que la crise du coronavirus pour certains, ça a aussi été l'occasion de faire bouger les choses, de changer nos modes de vie. On retrouve cette dualité dans la culture asiatique : en chinois ou en japonais, le mot crise est composé de deux idéogrammes. Le premier dit "problème", mais le second dit "opportunité".

Le psychiatre Boris Cyrulnik a plusieurs fois dit dans les médias qu'il refuse de parler de crise pour désigner l'épidémie de coronavirus. Il préfère le mot catastrophe.

Il revient au mot de la tragédie grecque du Ve siècle avant Jésus Christ où la catastrophe est le moment où le mauvais sort tombe et s'abat sur les humains. À partir de là, soit ils meurent, soit ils se relèvent. C'est pour ça que Boris Cyrulnik préfère paradoxalement utiliser catastrophe, parce qu'avec "crise" on revient dans le registre pûrement médical. On rétablit la santé mais on prend le risque de revenir à l'ancienne situation. Or, pour lui, après le coronavirus, il ne faut surtout pas revivre comme avant.

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