"La majorité sexuelle sera-t-elle fixée à 9 ans en Irak ?" : le vrai ou faux junior décrypte un projet d'amendement irakien controversé

Un amendement en cours d'examen au parlement irakien pourrait permettre aux autorités religieuses de légiférer sur les affaires familiales et notamment autoriser les hommes à se marier avec des filles dès l'âge de 9 ans.
Article rédigé par Valentine Joubin
Radio France
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Temps de lecture : 4min
Des femmes manifestent devant un tribunal pour s'opposer à la légalisation du mariage d'une enfant de 12 ans, à Bagdad, en Irak, le 21 novembre 2021. (AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

Depuis cet été, sur les réseaux et dans la presse, de nombreuses publications au titre parfois racoleur affirment que l'Irak va fixer l'âge légal pour se marier à 9 ans. Pour tenter de démêler le vrai du faux, Niyaz Abdullah, journaliste irakienne indépendante, répond aux questions des élèves du collège Raoul Dufy au Havre.

Un amendement pour autoriser le mariage dès 9 ans

Louane : "J'ai entendu dire que la majorité sexuelle va être fixée à neuf ans en Irak. Est-ce vrai ?"

C'est un peu plus compliqué que cela. Au Parlement irakien, il y a un amendement en cours d'examen qui prévoit d'accorder aux autorités religieuses le pouvoir d'encadrer les affaires familiales. C’est-à-dire de décider des règles concernant le mariage, le divorce ou la garde des enfants. Alors que jusqu'ici, en Irak, c'était l'État, et lui seul, qui régissait le droit de la famille. C'est le cas depuis 1959 et l'adoption de la loi sur le statut personnel, l'une des plus progressistes au Moyen-Orient.

Si cet amendement était adopté, les autorités religieuses pourraient abaisser l'âge légal du mariage. Ce ne serait plus 18 ans, ou 15 ans dans certains cas, mais 9 ans. Cela signifie qu'un homme de confession musulmane, quel que soit son âge, pourrait avoir, légalement, des relations sexuelles avec des petites filles de 9 ans. Mais cette modification de la loi, défendue par une coalition de partis islamistes, ne fait pas du tout consensus en Irak.

Des mariages d'enfants ont déjà lieu en Irak

Maxime : "Cette loi sera-t-elle applicable aux filles et aux garçons ?"

Cet amendement concerne les filles et les garçons, mais ils ne risquent pas la même chose, explique à franceinfo Niyaz Abdullah, journaliste irakienne indépendante. Le texte se base sur la doctrine Jaafari, une loi islamique très conservatrice et liberticide qui est déjà appliquée en Iran. Selon ce droit religieux, les filles peuvent être mariées dès 9 ans et les garçons dès l'âge de 15 ans.

D'où l'inquiétude des associations qui défendent les droits des enfants en Irak, comme Human Rights Watch. Elles craignent une explosion du nombre de mariages forcés de fillettes, car des mariages religieux non déclarés ont lieu dans le pays, a indiqué la mission des Nations unies en Irak (MANUI). Selon elle, 22% de ces unions concernent des filles de moins de 14 ans.

"Le risque c'est que l'Irak attire ainsi les pédocriminels"

Ambre : "Cette loi est-elle conforme au droit international ?"

Non, cet amendement va à l'encontre de plusieurs lois internationales que l'Irak s'est engagé à suivre. On peut citer la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes, que l'Irak a ratifiée en 1986. Mais aussi la convention relative aux droits de l'enfant que le pays a signée en 1994.

Selon la journaliste irakienne Niyaz Abdullah, ce sont les droits de la personne dans leur ensemble qui risquent de ne plus être respectés en Irak : "Le risque, c'est que l'Irak attire ainsi les pédocriminels et devienne un haut lieu de la traite des personnes. Il est donc très important que la Mission des Nations unies en Irak, Amnesty International, Human Rights Watch, RSF, que toutes ces organisations internationales exercent également des pressions sur le gouvernement irakien".

"Il est important aussi de demander au président Macron quel est sa position sur le sujet. L'ambassade de France et les ambassades de tous les pays doivent faire pression sur l'Irak pour que ce projet de loi soit abandonné".

Niyaz Abdullah, journaliste irakienne

à franceinfo

Depuis que l'amendement a été déposé à l'été 2024, un collectif citoyen s'est formé pour s'y opposer. Des femmes, principalement, qui ont organisé plusieurs manifestations, à Bagdad, la capitale irakienne.

Un projet similaire avait été rejeté en 2021

Sarah : "Comment cette loi va-t-elle être votée ?"

L'amendement a été approuvé en deuxième lecture au Parlement le 16 septembre 2024. Mais il n'a pas obtenu la majorité nécessaire pour être définitivement adopté. Pour faire voter ce texte, détaille Niyaz Abdullah, les partis musulmans chiites vont devoir convaincre les partis musulmans sunnites, mais aussi les Kurdes. Or, pour le moment, ils ne sont pas d'accord. La date de reprise des débats au Parlement n'est pas encore connue.

Des amendements similaires avaient déjà été proposés en 2014 et 2017, selon Amnesty International, mais ils n'avaient pas été adoptés, en raison du tollé provoqué dans la société.

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