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"40 millions de migrants" entrent-ils chaque année en Europe sans "aucun contrôle", comme l'affirme Valérie Pécresse ?

La candidate LR à la présidentielle a assuré que des dizaines de millions de migrants entrent chaque année en Europe sans être contrôlés. C'est totalement faux. Son équipe de campagne admet une erreur. 

Article rédigé par Joanna Yakin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Valérie Pécresse, le 4 février 2022. (REMI WAFFLART / MAXPPP)

Valérie Pécresse pensait révéler des chiffres "hallucinants" sur l'immigration. Elle a en réalité commis une grosse erreur. Interrogée dimanche 6 février sur France 5, la candidate Les Républicains à l'élection présidentielle a voulu prouver que les frontières extérieures de l'Europe n'étaient pas assez protégées en affirmant que "c'est de l'ordre de pas loin de 40 millions de migrants cette année qui sont rentrés dans l'Europe, sans passer par ces points de passage autorisés, c'est à dire qui n'ont eu aucun contrôle".

2,7 millions de personnes ont immigré dans l'UE en 2019

Comme l'indique le site internet officiel de l'Union européenne, ce ne sont pas 40 millions, mais 2,7 millions de personnes qui ont immigré légalement en Europe en 2019, soit quinze fois moins que le chiffre avancé par Valérie Pécresse. Concernant l'immigration illégale, elle est, par définition, difficile à évaluer. L'agence européenne des gardes frontières, Frontex indiquait toutefois dans un communiqué publié en début d'année qu'elle avait intercepté 200 000 migrants illégaux l'an dernier. On reste donc extrêmement loin des dizaines de millions de migrants évoqués par Valérie Pécresse. Le chiffre avancé par la candidate parait d'autant plus surprenant qu'au 1er janvier 2020, l'Union européenne comptait au total 23 millions de citoyens de pays hors UE sur son sol (5,1% de la population totale de l'UE). 

Une mauvaise interprétation 

L'équipe de campagne de Valérie Pécresse nous confirme que la candidate LR s'est en réalité bel et bien trompée et aurait commis "une imprécision de langage".
Son équipe explique que Valérie Pécresse faisait en réalité référence à la déclaration d'une commissaire européenne publiée le 3 février dans le journal Le Figaro. La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, y expliquait que "l’an dernier, 39 millions de personnes sont arrivées dans l’espace Schengen sans avoir été contrôlées dans la base de données SIS, qui recense notamment les personnes recherchées".

Mais Valérie Pécresse semble avoir très mal interprété cette déclaration. Tout d'abord, les "39 millions de personnes" évoquées ne sont pas forcément des "migrants". Il peut s'agir de n'importe quelle personne ayant posé le pied sur le sol européen : un touriste ou une personne venue pour le travail, par exemple. Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'une personne n'a pas été contrôlée dans ce fichier SIS, qu'elle n'a pas été contrôlée du tout. La CNIL explique que le SIS (système d’information Schengen) a pour but "d’assurer un niveau de sécurité élevé au sein des États Schengen en l’absence de contrôles aux frontières intérieures, en permettant aux autorités nationales compétentes, comme les forces de police et les gardes-frontières, de saisir et de consulter des signalements concernant des personnes ou des objets". C'est, concrètement, un outil de sécurité dans lequel on trouve des signalements de personnes disparues ou recherchées, mais aussi d'objets comme des voitures et des armes volées ou encore des faux billets en circulation. 

La commissaire déplorait donc simplement que ce fichier ne soit pas davantage consulté par les Etats membres.

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