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Affaire Fillon : pourquoi il n’y aura pas d’enquête pour “forfaiture” ?

Éric Ciotti, député Les Républicains des Alpes-Maritimes, a demandé l’ouverture d’une "enquête judiciaire pour forfaiture" après l’audition d’Éliane Houlette. Pourtant, ce crime n’existe plus.

Article rédigé par franceinfo - Juliette Moreau Alvarez
Radio France
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Temps de lecture : 4min
Penelope et François Fillon, le 27 février 2020, au tribunal de Paris. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Devant la commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance de la justice le 10 juin, l’ancienne procureure et ex-patronne du parquet national financier Éliane Houlette a relancé l’affaire Fillon. Elle a dénoncé "une énorme pression" et un "contrôle très étroit" par le parquet général lors des investigations concernant François Fillon, alors candidat à l’élection présidentielle.

Ces nouvelles révélations ont indigné plusieurs figures politiques, dont le député LR des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti. Le 18 juin, ce dernier a demandé sur Twitter au président de la République de saisir le Conseil supérieur de la magistrature afin d’obtenir l’ouverture d’une "enquête judiciaire pour forfaiture". Sur Public Sénat le 24 juin, il a répété que les faits "peuvent relever de la forfaiture". La cellule Vrai du Faux vous explique pourquoi ce n’est pas possible.

Parce que le crime de forfaiture n'existe plus

Le crime de forfaiture a été instauré dans la loi par l’article 166 du code pénal de 1810. Il se définissait par "tout crime commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions" qui violent les devoirs essentiels liés à sa mission de service public. Il a été abrogé le 1er mars 1994 à l’occasion de la création du nouveau code pénal et de la réécriture complète de ce dernier. Depuis 26 ans, le crime de forfaiture n’existe donc plus en tant que tel dans la loi française.

Parce que la forfaiture a été remplacée par la notion de "circonstances aggravantes"

Un agent de l’administration française risque tout de même des sanctions s’il commet un crime dans l’exercice de ses fonctions. Aujourd’hui, l’absence de crime de forfaiture peut être comblée par la notion de circonstance aggravante lors d’un jugement. Cela signifie qu’un agent public encourt de plus gros risques pour avoir commis une infraction dans l’exercice de ses fonctions que si cette dernière avait été commise par un autre citoyen. C'est le cas pour les violences ayant entraîné moins de huit jours d'arrêt, les vols ou encore les affaires de discrimination.

Parce que la demande de rétablissement de ce crime n’a jamais été adoptée

Le 10 mars 2017, Franck Marlin, député Les Républicains de l'Essonne, a fait une proposition de loi visant à rétablir le délit de forfaiture dans le code pénal. Il souhaitait "remédier à cette absence de sanction envers les fonctionnaires se rendant coupable dans l’exercice de leurs fonctions de crimes ou délits, qui violent manifestement les devoirs essentiels de leur charge". Le député estimait que "la suppression de cette peine laisse un certain nombre d’infractions sans aucune sanction".

La proposition de loi a été par la suite renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission ne s’est pas prononcée en faveur de l’adoption de cette loi.

Si aucune enquête pour forfaiture ne peut être ouverte aujourd’hui, la première demande d’Éric Ciotti a tout de même été entendue. Le Conseil supérieur de la magistrature, qui veille à l’indépendance des magistrats, a été saisi par le président de la République, a annoncé l’Élysée le 19 juin. Emmanuel Macron demande un "avis" afin de "lever tout doute sur l’indépendance et l’impartialité de la justice dans cette affaire".

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