Imposition des plus riches, baisses d'impôts rentables et part du PIB... on a vérifié trois affirmations sur les impôts

Le Premier ministre Michel Barnier n'exclut pas d'augmenter les impôts. L'information a fait réagir toute la sphère politique qui multiplie les déclarations. Le Vrai ou Faux en a vérifié quelques-unes.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
llustration du site Impots.gouv, le lundi16 septembre 2024. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS)

L'information fait grand bruit depuis deux jours. Le Premier ministre Michel Barnier "ne s'interdit pas" d'aller vers une "plus grande justice fiscale" et d'augmenter les impôts. Scandale à droite, qui ne veut pas de hausses d'impôts. Le Rassemblement national parle d'une "ligne rouge". Perplexité au sein du camp présidentiel. Et regard attentif de la gauche.

Le sujet était au cœur de toutes les prises de paroles des politiques mercredi 18 septembre, certains affirmant que les plus riches ne sont "taxés qu'à 2%", d'aucuns argumentant que les baisses d'impôts étaient rentables, d'autres enfin affirmant que les impôts représentaient "48% du PIB". Franceinfo démêle le vrai du faux dans ces déclarations.

1. Les plus riches sont-ils taxés à seulement 2% ?

"Il faut augmenter les impôts des plus riches", a lancé la députée écologiste Sandrine Rousseau sur BFMTV. "Je rappelle quand même qu'un Bernard Arnault [actionnaire majoritaire et PDG du groupe LVMH] est taxé à 2%. 2%. Il est taxé moins que nous."

Ce que dit Sandrine Rousseau est plutôt faux. Ce chiffre vient d'une lecture un peu hâtive d'un rapport de l'Institut des politiques publiques publié en 2023 et basé sur des données fiscales inédites datant de 2016. Ce rapport estime que les impôts dits personnels, comme l'impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et l'impôt de solidarité sur la fortune (qui existait encore en 2016), ne prélèvent que 2% du "revenu économique" des 0,001% des Français les plus riches, soit 378 foyers. Mais s'en tenir à ce chiffre, c'est ne pas aller au bout de la logique de l'Institut des politiques publiques.

Comme franceinfo l'expliquait lors de la parution de ce rapport, l'Institut examine le poids de l'impôt sur ce qu'il appelle le "revenu économique". Il part du principe que les plus riches sont souvent propriétaires ou actionnaires majoritaires de leurs entreprises, comme c'est le cas de Bernard Arnault, et par conséquent, à ses yeux, parler uniquement des revenus fiscaux, comme le salaire, n'est pas suffisamment représentatif de leur richesse. Alors l'Institut a décidé d'ajouter à ces revenus fiscaux les "bénéfices des sociétés non-distribués", c'est-à-dire les bénéfices de leurs entreprises qui sont restés sur les comptes de l'entreprise et n'ont pas été versés aux actionnaires. Autrement dit, de l'argent qu'ils n'ont pas concrètement perçu. C'est en cumulant les revenus fiscaux et ces bénéfices non-distribués que l'Institut trouve le "revenu économique". Par exemple, les 378 foyers français les plus riches ont un revenu fiscal de référence d'au-moins 5,8 millions d'euros, mais ils ont un revenu économique d'au moins 26,2 millions d'euros.

C'est là que les choses se compliquent. Si l'on ne regarde que l'imposition du revenu fiscal de référence, les plus riches sont taxés à environ 40%, soit bien plus que les autres. En revanche, si l'on regarde le revenu économique, alors les impôts personnels ne pèsent en effet plus grand-chose puisqu'ils s'élèvent à 2%.

Néanmoins, l'Institut estime que ce n'est pas pertinent de s'arrêter là. "Puisque le revenu économique inclut les profits non-distribués des sociétés détenues par les ménages, il convient d’inclure l’impôt sur les sociétés parmi les impôts payés par les ménages qui contrôlent des sociétés", explique-t-il. Pour lui, la "forte régressivité des impôts personnels est en partie compensée par le paiement de l'impôt sur les sociétés". En effet, en incluant les impôts sur les sociétés, le résultat est très différent : les 0,001% les plus riches sont taxés, non pas à 2%, contrairement à ce qu'affirme la députée écologiste, mais à 29%.

2. Les baisses d'impôts sont-elles rentables ?

Le camp présidentiel, qui a passé les dernières années à baisser les impôts notamment via sa loi de finances de 2018, veut quant à lui tirer un bilan positif de ses décisions. "Il faut bien noter que tous les impôts qui ont été diminués lors de la précédente législature ont aujourd'hui un rendement supérieur à ce qu'ils étaient, alors même que leurs taux étaient plus élevés", a affirmé Mathieu Lefèvre, député Ensemble pour la République, pendant une séance de la commission des finances de l'Assemblée nationale mercredi. "C'est valable pour l'IFI, c'est valable pour le PFU, et c'est valable notamment pour l'impôt sur les sociétés", a-t-il continué.

Le député a raison concernant son dernier exemple. L'impôt sur les sociétés, a été baissé de 33% en 2017 à 25% en 2022, mais ses recettes ont globalement augmenté ces dernières années, atteignant le record de 86,8 milliards d'euros bruts en 2022 contre 64,7 milliards d'euros en 2017, comme s'en félicitait Gabriel Attal, alors ministre des Comptes publics, dans Le Figaro en janvier 2023. C'était notamment dû à l'augmentation du nombre d'entreprises qui y étaient soumises. Notons qu'un ralentissement a tout de même été observé en 2023, avec 82 milliards d'euros de recettes.

En revanche, la réalité est plus complexe pour les deux autres exemples cités par le député EPR, car la hausse apparente de leurs recettes cache un manque à gagner de 3 à 4 milliards chacun.

Les recettes de l'impôt sur la fortune immobilière, l'IFI, n'ont cessé d'augmenter depuis sa création en 2018. Elles étaient de 1,29 milliard d'euros pour sa première année d'existence contre 1,83 milliard d'euros en 2022. Mais il faut rappeler que l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, que l'IFI a remplacé, avait rapporté 4,2 milliards d'euros à l'État en 2017, pour sa dernière année d'existence. L'ISF s'appliquait à trois fois plus de foyers que l'IFI. Dans un rapport publié en octobre 2023, France Stratégie, un service rattaché au Premier ministre, a donné une estimation de ce qu'aurait rapporté l'ISF s'il avait été maintenu et le manque à gagner est conséquent : "Les recettes de l'ISF, en 2022, auraient été égales à 6,3 milliards d'euros, et la perte de recettes liée à son remplacement par l'IFI s'élèverait donc à 4,5 milliards d'euros", écrit France Stratégie.

C'est la même chose pour le prélèvement forfaitaire unique, dit la "flat tax", qui a été créé en 2018 et qui impose à 30% les revenus du capital alors qu'ils étaient auparavant imposés selon le barème progressif des impôts sur le revenu. La première année de son existence, le PFU a rapporté davantage que ce que la loi de finances avait prévu, 3,5 milliards d'euros contre 2,9 milliards d'euros prévus. Plusieurs médias dont Le Point et Les Echos affirmaient alors que baisser des impôts pouvait rapporter davantage. En consultant les Voies et moyens des derniers projets de loi de finances, on constate que les recettes du PFU n'ont cessé d'augmenter depuis. Mais un rapport de l'Institut Montaigne, qui a une vision plutôt libérale, montre que "le retour à une imposition au barème de l’impôt sur le revenu des revenus du capital rapporterait entre 3,2 et 3,6 milliards d'euros à l’État".

3. Les impôts représentent-ils 48% du PIB ?

Le Rassemblement national estime que la hausse d'impôt est une "ligne rouge" à ne pas franchir. Sur RMC, le député RN Jean-Philippe Tanguy a estimé qu'il y avait déjà suffisamment d'impôts. Il a rappelé que, "l'année dernière, on était quand même à 48% du PIB, c'est-à-dire la moitié des richesses des Français en impôt". Autrement dit, les impôts représenteraient 48% du PIB. Dit encore autrement, près de la moitié de la production de richesse nationale provient du paiement des impôts.

Cette estimation est en effet donnée par Eurostat, la direction générale de la Commission européenne qui est chargée des statistiques de l'UE. Elle ne correspond pas à l'année 2023, mais à l'année 2022. En revanche, ces chiffres ne parlent pas que de la part des impôts dans le PIB, contrairement à ce que dit Jean-Philippe Tanguy. Ils renvoient à la part de tous les prélèvements obligatoires dans la richesse nationale, dont les impôts et les cotisations sociales, mais aussi dont les cotisations sociales imputées et les crédits d'impôts.

L'estimation d'Eurostat permet une comparaison européenne. La France arrive en tête en 2022 avec ses 48%, juste devant la Belgique (45%), l'Autriche, la Finlande et la Grèce (43%). Selon les années, elle se chamaille la première place avec le Danemark et la Belgique.

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