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Le gouvernement va-t-il rendre "obligatoire" l’identification numérique par reconnaissance faciale ?

D'après de nombreux messages publiés sur Facebook, le gouvernement s'apprête à rendre obligatoire l'idendification par reconnaissance faciale pour pouvoir accéder à certains services publics en ligne. Des inquiétudes liées au prochain lancement d'une application mobile lancée par le ministère de l'Intérieur.

Article rédigé par Antoine Krempf - Romain Allimant
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Un homme teste la reconnaissance facile, le 2 juillet 2014, lors d'un salon à Versailles (Yvelines). (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

C'est un message inquiétant partagé sur Facebook : "Alerte info : la reconnaissance faciale obligatoire pour s'authentifier sur les sites des services publics, le projet de C.Castaner." Un message également relayé par plusieurs titres de presse. L'agence de presse américaine Bloomberg écrit par exemple le 3 octobre que "la France est en passe de devenir le premier pays européen à utiliser la technologie de la reconnaissance faciale pour donner une identité numérique sécurisée à ses citoyens, qu’ils le veuillent ou non"

Ces articles font en fait référence à la mise en place, prévue en novembre d'après Bloomberg, d’AliceM (pour Authentification en ligne certifiée sur mobile), une application en phase de test depuis juin 2019 sur Android. Le gouvernement va-t-il rendre obligatoire l’identification numérique par reconnaissance faciale ? C’est plus compliqué et la cellule Vrai du Faux vous explique pourquoi. 

Pas d'obligation d'utiliser l'application AliceM

Le ministère de l’Intérieur présente AliceM comme "la première solution d’identité numérique régalienne sécurisée". Elle devrait permettre aux "ressortissants français titulaires d'un passeport comportant un composant électronique" et aux "ressortissants étrangers titulaires d'un titre de séjour comportant un composant électronique" d’accéder sur son téléphone à toute une série de services publics comme l’Assurance maladie ou les impôts.

Pour activer l'accès à cette nouvelle application, les utilisateurs devront scanner leur pièce d'identité puis se filmer en bougeant la tête ou en clignant les yeux pour vérifier si les données biométriques correspondent. Et c'est donc cette authentification faciale qui inquiète.

Sauf que le ministère de l'Intérieur l'assure : il n'y aura aucune obligation d'utiliser cette application pour accéder aux services publics concernés. Il sera toujours possible de se connecter avec un mot de passe sur le portail internet FranceConnect ou de se rendre physiquement dans un centre des impôts, par exemple.

Par ailleurs, la place Beauvau affirme que "la vidéo de reconnaissance faciale réalisée lors de la création du compte est effacée immédiatement après la vérification" et "les données ne feront l’objet d’aucun traitement et ne seront pas transmises à des tiers."

Reconnaissance faciale obligatoire pour les utilisateurs d'AliceM

Si cette application mobile n'est pas obligatoire pour accéder aux services publics en ligne, l'utilisateur qui souhaite l'utiliser sera tout de même obligé d'en passer par une identification par reconnaissance faciale. C'est précisément ce qui inquiète la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Dans une délibération d'octobre 2018, la Cnil écrit que "l’article 9.1 du Règlement général pour la protection des données (RGPD) pose un principe d’interdiction du traitement de certaines données dites 'sensibles', parmi lesquelles figurent les données biométriques". Il est possible de contourner cette interdiction si "la personne concernée a donné son consentement explicite" ou pour des "motifs d’intérêts public importants". Or, dans ce cas, la Cnil juge que l’obligation d’accepter la reconnaissance faciale pour pouvoir créer son compte marquait un manque de "choix réel" pour l’utilisateur et altérait son consentement.

De plus, pour la Cnil, "la nécessité de recourir à un dispositif biométrique pour vérifier l’identité d’une personne dans le but d’atteindre le niveau de garantie "élevé" de l’identité numérique, au sens du règlement e-IDAS, n’a pas été établie"

Vers une généralisation de la reconnaissance faciale ?

De son côté, la Quadrature du net a déposé un recours auprès du Conseil d’État contre le lancement de cette application. L'association de défense des libertés numériques reproche une "banalisation de cette technologie" et cite le rapport gouvernemental sur l’État de la menace liée au numérique en 2019, publié le 3 mai dernier.

"Nous ne pouvons pas laisser les publications illicites se multiplier. Nous devons donc relever le défi de l’identité numérique pour que chaque Français, dès 2020, puisse prouver son identité et savoir avec qui il correspond vraiment", y écrivait le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. Le rapport précise notamment sur l'application AlticeM que "le succès et la généralisation de ces expérimentations constitueront ainsi les prémices d’une politique publique de l’identité numérique, fondée sur le triptyque neutralité-interopérabilité-sécurité." 

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