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Le vrai du faux. Emmanuel Macron a-t-il employé l'expression "arrangement à l'africaine" pour parler d'élections présidentielles en Afrique ?

Aurélien Taché a attribué l'expression "arrangement à l'africaine" à Emmanuel Macron lors d'une interview à RFI, mais ce n'est pas le président français qui a prononcé ces mots.
Article rédigé par franceinfo - Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Emmanuel Macron, le 5 juin 2023, en visite au Mont-Saint-Michel (Manche). (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

C'est une expression qui, à chaque fois qu'elle est employée, fait beaucoup réagir. Ce lundi matin, le député Nupes du Val-d'Oise, Aurélien Taché, a confié à RFI craindre que la démocratie ne soit pas respectée lors de la prochaine élection présidentielle au Sénégal, traversé par de fortes tensions depuis qu'un opposant, candidat à cette élection, a été condamné à deux ans de prison. L'élu français a appelé Emmanuel Macron à se positionner pour affirmer que la France n'accepterait pas "d'arrangement à l'Africaine".

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"Le président de la République française doit rappeler une position forte : la France n'acceptera pas de telles violations de principe démocratique si cela arrivait. Elle ne pourrait pas reconnaître un résultat électoral issu de ces conditions-là. Pas d'arrangement à l'africaine, comme Monsieur Macron l'avait dit au Congo il y a quelques mois", a-t-il précisément déclaré. Mais Emmanuel Macron a-t-il vraiment dit ça ?

Une expression de Jean-Yves Le Drian

Non, le président français n'a pas employé ces mots, Aurélien Taché se trompe de personne. L'expression a bien été utilisée pendant son voyage en République démocratique du Congo en mars 2023 mais pas par lui. Les mots ont été prononcés par une journaliste, lors d'une conférence de presse en présence d'Emmanuel Macron et du président de la RDC, Félix Tshisekedi. Elle voulait savoir si le président français avait des inquiétudes pour le respect de la démocratie lors de la prochaine présidentielle en RDC en décembre prochain.

Pour appuyer son propos, elle a repris une expression déjà employée il y a quatre ans, en février 2019, par Jean-Yves Le Drian quand il était ministre des Affaires étrangères. Celui-ci commentait sur France Inter l'élection fin 2018 de l'actuel président de la RDC, Félix Tshisekedi, comme suit : "J'ai fait observer que les résultats ne semblait pas correspondre à toutes les informations que l'on pouvait avoir par ailleurs de sortie des urnes. (…) Il s'agissait d'une élection en cours qui s'est achevée finalement par une espèce de compromis à l'africaine."

L'expression d'un "regard paternaliste" de la France sur l'Afrique

Le rappel de cette expression fit vivement réagir le président de la RDC, Félix Tshisekedi, qui était directement visé par les mots de l'ancien ministre des Affaires étrangères. Félix Tshisekedi a répondu que "c'est justement ça qui doit changer dans nos rapports avec la France en particulier mais l'Europe en général, l'Occident. Votre façon de voir les choses lorsqu'elles se passent en Afrique."

"Quand il y a des irrégularités aux élections américaines, on ne parle pas de 'compromis à l'américaine'. Lorsqu'en France il y a plusieurs années maintenant, il y a eu un scandale sur des électeurs décédés qu'on a fait voter, on ne parlait pas de 'compromis à la française', a-t-il souligné. Regardez-nous autrement, en nous respectant, en nous considérant comme de vrais partenaires, et non pas toujours avec un regard paternaliste, avec l'idée de toujours savoir ce qu'il faut pour nous."

Emmanuel Macron a pris la parole à son tour, assurant que cette expression n'était pas la position officielle de la France et qu'il n'y voyait aucun mépris, sans pour autant réussir à convaincre son interlocuteur.

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