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Le vrai du faux. L'État "s'octroie-t-il de nouveaux pouvoirs de réquisitions" grâce à la loi de programmation militaire ?

Plusieurs comptes sur les réseaux sociaux dénoncent une "dérive autoritaire" du gouvernement, qui s’accorderait des nouveaux pouvoirs de réquisitions. Mais ces mesures sont déjà prévues dans le Code de la Défense.
Article rédigé par franceinfo - Caroline Félix
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des députés à l'Assemblée nationale, à Paris, le 13 juin 2023. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

La loi de programmation militaire (LPM), en débat au Parlement, fait l’objet de nombreux messages sur les réseaux sociaux. Ils dénoncent notamment "la dérive autoritaire de Macron". En cause : l’article 23, qui porte sur les réquisitions.

Cet utilisateur de TikTok s’émeut également de ce texte de loi : "Le plus choquant réside dans le fait que selon cette loi, l'État s'octroie la possibilité de réquisitionner toutes les personnes physiques présentes sur le territoire national, toutes les personnes physiques de nationalité française ne résidant pas sur le territoire national, et même des propriétés des habitants".

Ce message laisse entendre cette loi, si elle est votée, créerait un nouveau pouvoir de réquisition pour le gouvernement. C’est faux, puisque cette mesure existe déjà dans le Code de la Défense, qui prévoit dans certains cas "le droit de requérir les personnes, les biens et les services".

Adapter la loi aux nouveaux dangers

La LPM réécrit la partie du Code de la Défense sur les réquisitions militaires qui, dans les grandes lignes, n'a pas été revu depuis 1959. Il s'agit de synthétiser plusieurs articles du Code et de l'adapter aux nouveaux dangers. Jusqu'à présent, ces réquisitions ne pouvaient être déclenchées qu’en cas de mobilisation de l'armée sur le territoire. Dans ce cadre-là, par exemple, "l’armée avance et réquisitionne au fur et à mesure qu’elle avance", explique Jean-Paul Markus, professeur de droit public et auteur d'un article sur le sujet pour le site Les Surligneurs.

Or, aujourd'hui les menaces ne sont plus forcément purement armées, militaires, mais "elles passent par le cyberespace (paralysie des réseaux), l’espace (destruction de satellites), les mers (destructions de câbles sous-marins et gazoducs), etc.", rappelle Jean-Paul Markus. Le projet de loi prévoit donc le déclenchement des réquisitions "en cas de menace, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, la protection de la population, l’intégrité du territoire, la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’Etat en matière de défense".

Le ministère des Armées donne plusieurs exemples. Cela permettrait de "répondre à un besoin urgent de sauvegarder les intérêts de la défense nationale (par exemple par la réquisition de société spécialisée capable de récupérer les débris d’un avion de chasse qui se serait abîmé en mer)". Ou encore "de mettre en œuvre nos engagements de défense lorsqu’un Etat allié bénéficie de mesures de réassurance (par exemple, dans le cadre des actions de l’OTAN, permettre à très bref délai la projection de moyens militaires vers l’étranger, en s’appuyant le cas échéant sur des moyens de transport privés en complément des moyens militaires)."

"Juridiquement, c’est balisé"

Mais la condition de réquisition, une "menace" semble floue et fait craindre à certains internautes une utilisation des réquisitions à tort et à travers. "Je comprends les craintes, mais juridiquement, c'est balisé", explique Benjamin Morel, également professeur de droit public.

Parce que le projet de loi prévoit aussi des garde-fous. Si réquisition il y a, elles doivent être "strictement proportionnées aux objectifs poursuivis et appropriés aux circonstances de temps et de lieu". Elles doivent aussi être ordonnées "qu’à défaut de tout autre moyen adéquat disponible". Le texte indique également que "les personnes physiques sont réquisitionnées en fonction de leurs aptitudes physiques et psychiques et de leurs compétences professionnelles ou techniques". Concrètement,"elle ne peut en aucun être réquisitionnée pour l’exécution de missions militaires, qui ne peuvent être assurées que par les forces armées", indique le ministère des Armées.

Enfin, ce type de réquisitions ne peut pas être utilisé en dehors du cadre militaire. Si c'était le cas, "elles seraient annulées par un juge administratif, pour détournement de pouvoir ou défaut de base légale", estime Jean-Paul Markus. Les autorités ne peuvent pas invoquer le Code de la Défense pour mettre fin à une grève d'éboueurs ou d'employés de raffineries par exemple. Car ce type de réquisitions, prévues par le code des collectivités territoriales, a un autre objectif : celui d’assurer la continuité des services publics et de lutter contre les troubles à l'ordre public.

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