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Le vrai du faux. L'ISF a-t-il fait perdre 45 milliards d'euros à l'économie française ?

Victor Matet passe au crible des faits repérés dans les médias et les réseaux sociaux. Aujourd'hui, un chiffre donné par le vice-président du Medef : l'ISF aurait fait perdre 45 milliards d'euros à notre économie depuis sa création.

Article rédigé par Victor Matet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Feuille d'impôt de solidarité sur la fortune. (DAMIEN MEYER / AFP)

"L'ISF n'a rien rapporté et a coûté 45 milliards d'euros à l'économie française", a affirmé sur franceinfo le vice-président et porte-parole du Medef Fabrice Le Saché, lundi 18 mars.

Cette étude, le vice-président du Medef nous le dit, vient du Rexécode. Le centre de recherche pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises. Centre financé par ses adhérents : des grandes entreprises, des PME ou encore des institutions financières. Dans une lettre qui date du mois de décembre, le Rexécode a donc sorti ce chiffre en se basant sur les données officielles depuis 1982 et l'instauration de l'impôt de solidarité sur la fortune jusqu'à la suppression de l'ISF l'an dernier. Ce sont donc 35 années qui ont été étudiées avec cette idée. On prend d'abord le chiffre officiel de ce que rapporte l'ISF : environ cinq milliards d'euros par an. Avant ensuite de réaliser une estimation de ce que le PIB de la France aurait pu être si certaines grandes fortunes étaient restées dans le pays. Le Rexécode arrive ainsi à 45 milliards d'euros de pertes.

Chiffre contestable et contesté

Ce chiffre est contesté, mais pas forcément par tout le monde. Il y a deux mois, la fondation Ifrap, un think tank spécialisé dans la recherche sur les administrations et les politiques publiques, donnait aussi ce chiffre de 45 milliards d'euros de perte, en passant par un autre mode de calcul, mais donc avec le même résultat. Mais dans l'ensemble, ce genre de calcul est basé sur des postulats qui ne peuvent pas être vérifiés, disent de nombreux économistes.

En clair, pour calculer les pertes réelles de l'ISF et donc l'argent qui aurait pu être investi dans notre économie, il faudrait connaître par exemple le nombre précis d'entreprises qui ne se sont pas créées sur le territoire français et dans lesquelles cet argent n'a pas été investi. Impossible à déterminer. D'autant plus que l'âge moyen des personnes assujetties à l'ISF et qui avaient choisi de quitter la France était de 55 et 60 ans. Pas forcément l'âge pour se lancer dans une vague de créations d'entreprises.

De plus, impossible de savoir si les contribuables fortunés qui ont quitté la France l'ont fait uniquement à cause de l'ISF, à cause de la fiscalité en général ou bien de facteurs personnels ou familiaux.

L'expatriation des plus riches en question

C'est l'argument numéro un d'Emmanuel Macron et de la majorité pour justifier la fin de l'ISF. Dans les faits, selon l'un des derniers rapports de la Direction générale des dépenses publiques, sur quelque 300 000 Français soumis à l'ISF, en 2012, moins de 600 sont partis à l'étranger, soit moins de 0,2%. Un sur 500. Pas de véritable hémorragie donc, même si le chiffre absolu n'est pas négligeable.

Quoi qu'il en soit, le chiffre donné par le vice-président du Medef, 45 milliards d'euros de pertes annuelles liées à l'ISF, reste très difficile à apprécier. On comprend mieux pourquoi le gouvernement lui-même ne veut pas se prononcer sur les conséquences du passage de l'ISF à l'IFI avant plusieurs mois. Et pourquoi certains des experts en charge de cette évaluation évoquent pour l'instant de simples pistes de réflexion.

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