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Le vrai du faux. Non, on ne peut pas dire que "jamais il n'y a eu autant d'immigration en France"

Aurélien Accart passe au crible un fait repéré dans les médias et sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, les chiffres de l'immigration en 2018 en France, présentés par Thierry Mariani comme des "records".

Article rédigé par Aurélien Accart
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
L'Ofpra à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). (JEAN-PIERRE NGUYEN / MAXPPP)

Invité de franceinfo mardi 19 février, Thierry Mariani, numéro 3 sur la liste du Rassemblement national pour les prochaines élections européennes, est revenu sur les derniers chiffres des demandeurs d'asile en France en 2018.

On a atteint des records : 260 000 premiers titres de séjour l'année dernière, 122 000 réfugiés l'an dernier, c'est une première. Jamais il n'y a eu autant d'immigration en France

Thierry Mariani

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Sauf que c'est faux. En tout cas, c'est bien plus compliqué que cela. Sur les chiffres qu'il avance, Thierry Mariani a pourtant parfaitement raison. 255 550 premiers titres de séjour ont bien été accordés l'an dernier. Et le chiffre de 120 000 est bien celui des demandeurs d'asile en 2018. On en compte 122 743 très précisément. C'est vrai également qu'il s'agit d'un record, depuis que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) existe. Mais le problème, c'est que l'Ofpra n'existe que depuis 1952. Et que la France a, avant cette date, connu d'importantes vagues d'immigration.

Au cours du XXe siècle, la France a connu plusieurs vagues d'immigration massive. Notamment dans l'entre-deux-guerres, pendant les années 1920. La France, exsangue après la guerre 14-18, a besoin de main d'œuvre étrangère pour faire tourner ses usines. Elle devient même rapidement le pays au monde qui attire le plus d'étrangers par rapport à sa population totale. Le France est alors devant les Etats-Unis, par exemple, qui affichent alors un taux d'immigration bien inférieur, comme le rappelle l'historien Gérard Noiriel dans son livre, Le Creuset français.

La part d'étrangers multipliée par deux de 1920 à 1931

Autre chiffre qui souligne bien l'ampleur de cette vague d'immigration de l'entre-deux-guerres  – une immigration essentiellement italienne : en une dizaine d'années, la part d'étrangers dans la population française est multipliée par deux, passant de 3 à 7%. Aujourd'hui, le nombre d'immigrés qui entre chaque année en France, ne représente "que" 0,4% de la population totale du pays. Ce n'est pas rien mais c'est moins que la moyenne des pays de l'OCDE, qui est de 0,6%, comme le rappelle l'économiste Anthony Edo, du CEPII, dans une interview au site spécialisé TheConversation.

On pourrait également rappeler qu'en 1939, près d'un demi-million d'Espagnols arrivent d'un coup dans le sud de la France, à l'issue de la Guerre civile. 

Des chiffres 2018 en trompe l'œil

Enfin, le chiffre avancé par Thierry Mariani sur les titres de séjour obtenu en 2018 est trompeur. Sur ces 255 550 personnes, on compte par exemple 82 500 étudiants, qui ont vocation à repartir après leur année d'étude, ou encore 32 815 immigrés économiques. Pour certains d'entre eux, la France se donne beaucoup de mal à les attirer. Les réfugiés ou les migrants ne sont, dans ce total, que 35 645.

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