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Vrai ou faux
Avoir une voiture électrique permet-il d'économiser "1 200 euros d'essence par an", comme l'affirme le ministre Christophe Béchu ?

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a vanté sur Sud Radio les mérites à la fois écologiques et économiques de la voiture électrique.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le ministre français de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, quitte l'Elysée à l'issue du conseil des ministres, le 18 octobre 2023. (BERTRAND GUAY / AFP)

"La voiture électrique, elle est bonne pour la planète mais elle est bonne aussi pour le pouvoir d'achat", a affirmé le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu jeudi 2 novembre sur Sud Radio, alors que les Français en achètent de plus en plus. Elles ont représenté 16% des nouvelles immatriculations en dix mois, entre janvier et octobre 2023, dépassant déjà le score de toute l'année 2022 (13%), selon la Plateforme automobile.

Le ministre assure qu'avoir une voiture électrique "vous permet d'économiser l'équivalent de 1 200 euros d'essence par an". Vrai ou faux ?

Quelque 1 200 euros d'économies d'usage par an

Le chiffre donné par le ministre est vrai, même s'il ne s'agit pas uniquement d'économie d'essence mais aussi d'économie de frais d'entretien. Il provient d'une note d'analyse intitulée "Voiture électrique : à quel coût ?" publiée en novembre 2022 par France Stratégie, un service rattaché à la Première ministre, créé sous François Hollande, pour produire des études et aider le gouvernement dans ses décisions économiques et sociales. 

La note a calculé que, "à l'usage, le véhicule électrique est moins coûteux pour un ménage" et que l'économie réalisée est "de l'ordre de 1 200 euros par an en tenant compte de l'entretien et de la facture énergétique pour un véhicule de segment B", c'est-à-dire si le ménage a acheté une citadine électrique au lieu d'une citadine thermique. Cette économie est même plus élevée pour un ménage ayant acheté un SUV électrique : selon France Stratégie, il dépense 1 500 euros de moins par an que s'il avait acheté un SUV thermique.

Des estimations à relativiser au cas par cas

Néanmoins, il faut garder en tête que ces chiffres sont des moyennes, des estimations faites à partir de cas types mais que les économies réelles dépendent beaucoup des comportements des automobilistes. France Stratégie "considère un ménage propriétaire d'un véhicule thermique ancien, parcourant 13 000 km par an et souhaitant changer de véhicule". Le service gouvernemental d'études fait aussi une moyenne entre des économies potentiellement réalisées par trois ménages avec des revenus différents, très modestes, modestes et intermédiaires ou aisés.

Il suppose aussi que "80% des recharges sont effectuées en heure creuse, uniquement à domicile" tandis que "les recharges rapides en bornes publiques, bien plus onéreuses (trois à quatre fois plus onéreuses d'après l'Ademe), ne sont pas couvertes ici". Par ailleurs, le prix de l'électricité sur lequel se base ces calculs a pris en compte la hausse des tarifs de février 2023 mais celui-ci varie beaucoup puisqu'il dépend de l'inflation. C'est mathématique : plus l'électricité coûte cher, moins les voitures électriques permettent de faire d'économies. Reste à voir si ces variations demeurent avantageuses en comparaison avec les variations du prix du carburant, qui est instable.

Un surcoût de plus de 7 000 euros à l'achat

Mais, là où le bât blesse, c'est que ces économies estimées ne prennent pas en compte le surcoût à l'achat d'une voiture électrique par rapport à une voiture thermique. Et il peut s'avérer conséquent : 16 000 euros de plus pour une citadine électrique par rapport à une thermique et 10 000 euros de plus pour un SUV électrique par rapport à un thermique – sachant qu'un SUV coûte plus cher qu'une citadine. Cela prend en compte à la fois le prix d'achat et le prix d'installation d'une borne de recharge à domicile. Après déduction des aides mises en place pour encourager à acheter un véhicule décarboné, le surcoût est abaissé à 7 200 euros pour une citadine, 660 euros pour un SUV.

Ce surcoût est d'ailleurs le premier frein à l'achat d'une voiture électrique, selon Clément Molizon, le délégué général de l'Avere-France, l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, interviewé par franceinfo vendredi 3 novembre. 

>> Lire aussi : Voitures électriques : "Un conducteur dépense entre 11 et 15 euros par mois en recharge publique", selon l'Avere-France

Selon France Stratégie, "le surcoût à l'investissement pour un véhicule électrique de segment B par rapport à un véhicule thermique équivalent est rentabilisé par les gains à l'usage au bout de 13 ans en l'absence d'aides, ramené à moins de six ans en tenant compte des aides en vigueur". Mais, "même avec les aides, le passage à l’électrique demeure peu accessible pour de nombreux ménages", souligne le service d'études.

D'autant que ce surcoût se retrouve aussi sur le marché de l'occasion, particulièrement prisé par les familles les plus modestes. Si les voitures électriques d'occasion sont bien moins chères que les neuves parce que, la technologie progressant vite dans le domaine, elles perdent aussi vite de la valeur à la revente, il faut tout de même dépenser entre 6 000 et 7 000 euros de plus pour se procurer une voiture électrique d'occasion plutôt qu'une thermique équivalente, après déduction des aides.

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