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Vrai ou faux
Législatives 2024 : la France peut-elle se passer de nouvelles éoliennes, avec un "moratoire", comme le propose le RN ?
Arrêter d'installer des éoliennes, dans les champs et les mers françaises. C'est l'une des mesures du programme du Rassemblement national. En pleine campagne pour les législatives, le président du parti, et candidat au poste de Premier ministre, Jordan Bardella, a confirmé lundi 24 juin en conférence de presse sa volonté de mettre en place un "moratoire sur toute nouvelle construction de chantier éolien".
La France peut-elle arrêter de construire de nouvelles éoliennes ? Toute cette semaine dans le vrai ou faux, on se demande si les propositions des partis politiques aux élections législatives sont applicables, et quelles sont leurs conséquences.
Quelque 10% de la production électrique française
Si la France veut répondre à la demande énergétique à l'avenir, tout en respectant ses objectifs de décarbonation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, non, ce n'est pas possible d'arrêter la construction d'éoliennes. Aujourd'hui, l'éolien représente 10% de la production électrique française, selon le bilan réalisé par RTE, le gestionnaire du réseau, sur l'année 2023. C'est la troisième source d'électricité, derrière le nucléaire (64,8%) et l'hydraulique (11,9%).
Tous les experts s'accordent à dire que notre production électrique devra encore augmenter dans les prochaines années, pour répondre à la demande et aux enjeux environnementaux. D'abord parce que, pour atteindre la neutralité carbone et réduire les émissions de gaz à effet de serre de moitié d'ici à 2050, il faut réduire la consommation d'énergies fossiles, et donc nécessairement accélérer la production d'énergie électrique, une énergie bas carbone. La demande pour l'électrique va, dans le même temps, augmenter, avec le changement des modes de consommation, comme le développement des voitures électriques.
Le solaire, le nucléaire ou l'hydraulique ne peuvent pas compenser
Le solaire pourrait-il compenser un "moratoire" sur l'éolien ? Non, car aujourd'hui le photovoltaïque ne représente que 4,4% de la production électrique française, selon RTE. Pour remplacer une éolienne il faut installer cinq hectares de panneaux solaires, nous explique le syndicat des énergies renouvelables. Pour compenser l'éolien, il faudrait donc recouvrir la France de panneaux solaires, et dans des délais très courts. "Il y a aussi des contraintes sur les lieux d'installation", pointe le président du syndicat des énergies renouvelables, Jules Nyssen, auprès de franceinfo. "On peut varier les ingrédients mais on ne peut se passer d'aucun", résume-t-il.
Le nucléaire peut-il être une solution ? Non, parce que les réacteurs actuels sont vieillissants. Il faudra les remplacer dans les décennies à venir. Construire de nouveaux réacteurs prend du temps, une quinzaine d'années en moyenne. La France n'aura pas de nouvel EPR avant au moins 2035. Impossible dans ces conditions d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. "Il est impossible que la France atteigne ses objectifs climatiques sans développer de manière massive les renouvelables. Même en comptant sur une prolongation systématique de l’exploitation des réacteurs actuels jusqu’à 60 ans voire au-delà pour certains, et sur un rythme de mise en service d’un nouveau réacteur EPR2 tous les ans à compter de 2035 – deux hypothèses qui aujourd’hui ne sont pas acquises –, la sortie des énergies fossiles nécessite de disposer rapidement de quantités d’électricité bas-carbone supplémentaires qu’un nouveau programme nucléaire ne pourra pas fournir en totalité", écrit RTE. Il y a à aussi l'électricité hydraulique, grâce aux barrages, mais il n'existe plus beaucoup de marge en France pour augmenter la production.
La France manquerait d'électricité bas carbone dès 2035
Dans son rapport "Futurs énergétiques" RTE fait des projections à partir de plusieurs scénarios. Le gestionnaire du réseau imagine notamment la situation d'un moratoire sur les énergies renouvelables. Dans ce scénario, à partir de 2035, la France manquerait d'électricité bas carbone "pour couvrir les besoins". "En 2050, le déficit de production serait important, même dans une trajectoire de sobriété, et compris entre 60 TWh et 260 TWh selon les trajectoires de consommation", écrit RTE.
Pour combler un tel déficit, la France devrait importer de l'électricité, notamment en hiver, principalement issue de centrales thermiques fossiles, en Europe. À terme, la France devrait même compenser par l'utilisation de centrales à gaz ou renoncer aux objectifs d'éléctrification. Un moratoire sur les éoliennes sous-entend donc de ne pas respecter les Accords de Paris. "Cela n'a aucun sens, les éoliennes, ce n'est pas seulement un enjeu écologique mais aussi économique et une question de souveraineté énergétique", conclut Jules Nyssen.
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