Vrai ou faux
Les erreurs et imprécisions du Raptor qui prétend décrypter "l'arnaque mondiale" du "climatisme"

L'influenceur d'extrême droite le Raptor a publié une vidéo dans laquelle il dément l'impact dramatique de l'activité humaine sur le climat. Mais sa vidéo contient beaucoup d'inexactitudes et reprend tous les codes du complotisme.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le YouTubeur Le Raptor publiée, dimanche 8 septembre, une vidéo remettant en cause le travail du Giec. (CAPTURE D'ECRAN YOUTUBE)

"Le climat, c'est devenu, comme bon nombre de sujets avant lui, un thème inattaquable et sacralisé", pense le YouTubeur Le Raptor. Dans sa dernière vidéo, publiée dimanche 8 septembre, Ismaïl Ouslimani, de son vrai nom, se présente comme le héros venant démentir les fausses affirmations du Giec, le groupe d'experts intergouvernementaux sur le climat, pour décrypter "l'arnaque mondiale" de ce qu'il appelle le "climatisme".

Des arguments faux ou trompeurs

L'influenceur d'extrême droite ne nie pas le réchauffement climatique, mais il dément, point par point, le rôle de l'activité humaine en s'appuyant sur un livre de Steven Koonin, un scientifique américain, non spécialiste du climat dont de nombreux arguments ont été contredits par les connaisseurs, comme l'explique le journal 20 minutes .

Le Raptor affirme, par exemple, que les activités humaines ne sont responsables que de 1% des flux énergétiques sur Terre et que le reste est dû à la variabilité naturelle du climat. Pour lui, le réchauffement climatique est donc naturel. Sauf que ce seul pourcent de variation "c'est beaucoup et il suffit pour expliquer tout le réchauffement récent observé", explique Gerhard Krinner, climatologue, directeur de recherche au CNRS et coauteur du dernier rapport du Giec, au média Vert

Le Raptor applique la même logique à tous les constats des climatologues : la montée du niveau des océans, c'est naturel, l'effet de serre, c'est naturel, les phénomènes climatiques, c'est naturel. Des erreurs et des inexactitudes vérifiées en détail par franceinfo. Il affirme aussi que les modèles utilisés pour prévoir le climat sont faux, alors qu'il est en réalité en train de regarder des modèles servant à prévoir la météo.

Le YouTubeur jette le discrédit sur le travail du Giec, qui ne serait pas suffisamment vérifié par des "observateurs neutres". Or les rapports du Giec sont non seulement écrits et relus par des centaines de scientifiques, mais ils sont surtout des synthèses de milliers de publications scientifiques qui avaient elles aussi été relues et vérifiées.

Un argumentaire complotiste assez classique

Malgré toutes ses inexactitudes, la vidéo du Raptor est assez redoutable tant sa forme est efficace. Elle dure 1h10, mais elle est très rythmée. Elle bombarde ses regardeurs d'informations sur une musique impressionnante. À la fin, si on ne connaît pas bien le sujet ou si on a des doutes, l'impression globale qui reste est que les scientifiques se trompent ou ne sont pas sûrs, alors que, si, ils le sont.

Franceinfo avait déjà analysé l'efficacité de ce montage frénétique en 2017. David Doucet, coauteur du livre La Fachosphère, expliquait qu'"une vidéo de Raptor Dissident, c'est presque une scène de battle de rap dans le film 8 Mile avec Eminem. Il a un flot de paroles très rapide et un sens de la punchline qui donne presque de la musicalité à ce qu'il raconte. C'est très efficace pour tourner en ridicule et ringardiser ses adversaires politiques".

Une personnalité qui avait été attaquée par l'influenceur observait, sous couvert d'anonymat, que le Raptor utilisait des méthodes de communication assez classiques dans la complosphère. "Ses techniques de montage donnent un sentiment d'accumulation qui peut sembler amusant, et qui te garantit de ne pas t'ennuyer, mais c'est surtout une technique bien connue dans les milieux conspirationnistes. Il peut balancer 50 arguments allant dans son sens en une minute sans s'attarder. Tant pis si sur ces 50 arguments, 48 sont faux. Tu en sors avec une impression de vérité."

Le YouTubeur s'en prend aussi aux dirigeants, aux médias qui veulent, dit-il, nous contrôler, nous empêcher de vivre et s'en prendre à notre argent. Il ne dit pas comment, mais il le dit avec beaucoup d'assurance. Et pour compléter le tableau, ce qui rend cette vidéo redoutable, c'est la promotion qui l'entoure sur les réseaux sociaux. Le Raptor crie à la censure, comme le fait souvent l'extrême droite. Il en appelle à ses abonnés et même à Elon Musk, le patron de X, désinformateur notoire, pour faire davantage tourner sa vidéo, traduite en anglais par une intelligence artificielle. Pourtant, le Raptor n'est pas du tout censuré. Sa vidéo climatosceptique est toujours en ligne et a été visionnée plus de 620 000 fois.

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