Vrai ou faux
Quelque 90% des demandeurs d'asile sont-ils déboutés sans être "jamais" expulsés, comme l'affirme Louis Aliot ?

Alors que le parlement britannique a adopté une loi permettant d'expulser des migrants au Rwanda, le maire RN de Perpignan, Louis Aliot assure qu'en France, les demandeurs d'asile "sont 90% à ne pas répondre aux critères, ils ne sont jamais expulsés". C'est faux, ils sont beaucoup moins à être reboutés. Le nombre d'expulsions reste faible.
Article rédigé par Lise Roos-Weil
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le maire de Perpignan, Louis Aliot, lors d'une conférence de presse, le 31 août 2023. (RAYMOND ROIG / AFP)

Au moins cinq migrants, dont une enfant, sont morts dans la nuit de lundi 22 à mardi 23 avril, en tentant de traverser la Manche, au départ de Wimereux (Pas-de-Calais). Au même moment, le parlement britannique adoptait une loi permettant d'expulser vers le Rwanda des demandeurs d'asile entrés illégalement. Une initiative que le maire Rassemblement national de Perpignan, Louis Aliot, voit d'un bon œil. "Tous les demandeurs d'asile que nous avons ne sont pas de véritables demandeurs d'asile", juge-t-il sur TF1. "Ils sont 90% à ne pas répondre aux critères, ils ne sont jamais expulsés, l'avantage du système anglais c'est qu'ils resteront dans un autre pays". Vrai ou faux ?

Moins de 60% des demandeurs d'asile déboutés

C'est faux de dire que 90% des demandes d'asile sont retoquées. D'après les dernières données de la Direction générale des étrangers en France, sur l'année 2023, environ 57% des dossiers ont été refusés. Dans le détail, près de 61 000 demandes d'asile ont été acceptées, sur environ 142 500 dossiers enregistrés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ce résultat prend en compte les demandes en première instance et tous les recours. Le taux synthétique de protection, qui permet de lisser dans le temps les demandes, s'élève à 44,6%.

On ne peut pas dire, comme le fait Louis Aliot, que ces demandeurs d'asile déboutés ne sont "jamais expulsés", même si dans les faits, le nombre de reconductions à la frontière est faible. Certains demandeurs d'asile déboutés décident de quitter le pays par eux-mêmes, d'autres sont aidés financièrement par l'État pour rentrer dans leur pays d'origine, et certains obtiennent finalement un titre de séjour en France entre-temps. Les autres, en situation irrégulière, reçoivent une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Peu d'obligations de quitter le territoire exécutées

Le nombre de demandeurs d'asile effectivement expulsés chaque année n'est pas rendu public. Le ministère de l'Intérieur communique le nombre total d'expulsions. Mais dans un rapport publié en janvier 2024, la Cour des comptes a fait son propre calcul : sur quatre ans, entre 2019 et 2022, 2999 demandeurs d'asile déboutés ont été reconduits à la frontière. Quelque 2999 éloignements forcés sur un total de presque 140 000 demandeurs d'asile déboutés qui avaient reçu une obligation de quitter le territoire sur la même période. Ce qui signifie que 2% des obligations de quitter le territoire prononcées sont donc effectivement exécutées.

Cet écart entre le nombre d'OQTF prononcées et celles effectivement exécutées s'explique par plusieurs raisons structurelles, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes. D'abord, les autorités ont du mal à identifier et à retrouver les migrants en situation irrégulière. Ensuite, quand ils sont renvoyés vers leur pays d'origine, le pays n'accepte pas toujours de leur délivrer un "laissez-passer". Dans le Pas-de-Calais par exemple, un tiers des demandes aboutissent, soulignent la Cour des comptes. Enfin, il faut organiser concrètement les expulsions, la plupart du temps en avion et cela n'aboutit pas toujours : les compagnies aériennes peuvent refuser, les migrants ne se présentent pas toujours à la convocation, ou le trajet est annulé si les migrants mettent leur vie en danger.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.