Dans les pas d'une journaliste en Afghanistan
Quand on évoque l'Afghanistan, les lecteurs de bandes dessinées pensent immédiatement à un chef d'œuvre : Le Photographe d'Emmanuel Guibert, Didier Lefèvre et Frédéric Lemercier, qui racontait l'histoire d'un photoreporter dans l'Afghanistan des années 1980, lorsque les moudjahidines étaient en guerre contre l'occupant soviétique.
C'est un sommet de ce qu'on appelle la BD reportage ou la bande dessinée du réel. Le tome 2 du Photographe avait d'ailleurs obtenu en 2005 le Prix France Info de la Bande dessinée d'actualité et de reportage.
Retour en Afghanistan
Vient de paraître, dans la même collection "Aire Libre" des éditions Dupuis, une autre bande dessinée : Les larmes du seigneur afghan . Elle est signée du dessinateur Campi, du scénariste Vincent Zabus et de la journaliste Pascale Bourgaux.
Pascale Bourgaux est grand reporter. Après les attentats du 11 septembre 2001 et l'assassinat du commandant Massoud, elle s'est rendue six fois en Afghanistan en l'espace d'une décennie. Elle en a rapporté des reportages pour la RTBF, puis réalisé un film documentaire de ce long compagnonnage journalistique avec le chef d'une petite région au nord du pays : Les larmes du seigneur afghan .
Au fil du récit, dans ce village, à côtoyer ce chef de guerre très paternaliste, souriant, dont on pourrait dire avec nos critères occidentaux qu'il pratique un féodalisme éclairé – il aide les pauvres, ses femmes portent la burqa mais il ouvre des écoles de filles -, on va s'apercevoir que les puissances étrangères censées l'aider et surtout aider la population, et que le pouvoir central à Kaboul ont à peu près tout raté. Peu à peu, les gens deviennent très perméables aux promesses faites par les talibans.
Pascale Bourgaux et Vincent Zabus © JC Ogier
Une mise en abyme du grand reportage
La BD porte le même titre, Les Larmes du seigneur afghan , mais ce n'est pas à proprement parler une adaptation du film documentaire. Pas vraiment non plus un making-of, l'histoire de la fabrication du film. C'est surtout une réflexion sur le métier de journaliste de terrain. On s'attache à ce personnage qui fonctionne à l'empathie, qui aime partager avec ceux qu'elle rencontre. Ce qui ne l'empêche pas de faire des erreurs, et de nous les montrer.
Le dessinateur Thomas Campi a pu s'aider du film de Pascale Bourgaux, discuter avec la journaliste, mais le résultat est tout de même étonnant quand on sait qu'il n'est jamais allé lui-même en Afghanistan. Si Pascale Bourgaux dit s'être bien retrouvée sous les traits et dans le profil du personnage féminin de la BD, il n'en est pas de même pour le caméraman qui l'accompagnait. Il a tenu à ce que ce soit écrit sur la page de garde de l'album. Comme quoi, le réel résiste toujours au récit.
" Les larmes du Seigneur afghan " aux éditions Dupuis.
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