"Tata" de Valérie Perrin
Après Les oubliés du dimanche, Changer l'eau des fleurs, et Trois, voilà Tata, le nouveau roman de Valérie Perrin qui vient tout juste de paraître aux éditions Albin Michel.
Dans Tata, comme pour son roman Changer l'eau des fleurs, tout part encore d'un cimetière
Trois ans après ‘’Colette est remorte. Ce mot n’existe nulle part : Remourir ça n’existe pas’’…
Pourtant, c'est bien ce que qu'apprend Agnès, une réalisatrice de films à succès dépressive, depuis que son mari et acteur fétiche l'a quittée pour une "jeunette" et qui surnage grâce à l'amour de sa fille Anna. Celle qui est ‘’remorte’’ c'est sa Tata, sa tante Colette, chez qui Agnès a passé toutes les vacances de son enfance en Bourgogne, à Gueugnon, réputée historiquement pour ses usines d'acier, et maintenant aussi pour sa cordonnerie, celle de Colette. C'est donc elle, Tata, finalement, l'héroïne de cette intrigue incroyable, une femme discrète, célibataire et apparemment – du moins avant de mourir deux fois – sans histoire...
Pour éclaircir ce mystère autour du décès de Colette, Agnès mène l'enquête
On pourrait d'ailleurs se méprendre au départ, et penser qu'il s'agit juste d'une histoire rocambolesque avec cette deuxième mort. Mais en fait, elle est le prétexte pour aborder l'enfance de Colette et de son frère Jean, donc le père d'Agnès, qui est virtuose de piano, et l'enfance aussi de son amie Blanche. Et puis, dans un autre registre, l'enfance brisée de Lyèce, l'amie de jeunesse d'Agnès qu'elle retrouve à Gueugnon. La transmission, les blessures d'enfance sont décidément ses thèmes de prédilection.
"L'abandon, l'adoption, les liens du cœur, du sang, sont très importants pour moi... J'aime comprendre ça, fouiller ça, j'aime me poser des questions. Et puis j'aime être au plus près des gens qui ne sont plus des personnages. En fait, ce sont pour moi des proches. Que ce soit Colette, que ce soit Agnès, que ce soit Pierre ou Blanche, Lyèce aussi, peu importe, je me sens très proche d'eux, et c'est vrai que j'aime me poser des questions sur le genre humain."
Valérie Perrinà franceinfo
D'ailleurs, nous aussi, lecteurs, on se sent au fur et à mesure, au fil des pages, très proches des personnages. Il y a une espèce d'intimité qui se crée, d'autant plus que tout, ou presque, passe par la voix dans ce roman. Les voix des cassettes qui sont enregistrées par Colette, et celles de certains autres des personnages que l'on ne nommera pas, sont au cœur de l'enquête. Et c'est grâce à ces enregistrements sur le vieux magnétophone d'Agnès que l'on comprend peu à peu cette histoire familiale incroyable.
Une histoire qui remonte même jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. On ne peut pas s'empêcher de penser que Valérie Perrin partage cela aussi avec son conjoint Claude Lelouch, l'art de raconter, et le talent pour faire virevolter les époques. On lit et on y est aussi, dans le film ! Valérie Perrin :
"Je construis mes histoires comme des films, je sais qu’ils sont très visuels et qu’ils sont extrêmement dialogués… Ensuite, je crois que mes romans, en dehors du fait qu'ils soient construits comme des polars, donc je tiens souvent sur une intrigue très forte, il y a beaucoup d'enquêtes, donc les lecteurs aiment ça et en même temps, c'est comme si les personnages leur étaient familiers. Je crois qu'il y a une espèce d'étrange mélange en fait, un mélange de fiction, mais aussi beaucoup de réel. C'est ce qu'on me dit, j’'apporte la parole de la vie, mais à travers une fiction, c’est peut-être ça…"
Valérie Perrinà franceinfo
Tata, c'est aussi bien sûr un bel hommage à la ville de sa jeunesse, Gueugnon, et à ses parents, comme elle le dit elle-même :
"Un hommage à mon père, qui effectivement est arrivé avec maman dans cette petite ville, j'avais un an, pour y jouer au football puisqu'il était footballeur professionnel. À l'époque, il avait un statut très particulier qui s'appelait "semi-professionnel", et les joueurs travaillaient le matin en usine et s'entraînaient l'après-midi et jouer le week-end. Voilà, c'est pour ça que j'ai grandi là-bas."
Tata, c’est un roman de plus de 600 pages. S’il pèse lourd, c’est qu’il en contient des vies ! Des vies extraordinaires, celles d’artistes, qui côtoient des vies "ordinaires’’ dans lesquelles chacun peut se reconnaître, ou retrouver à travers les personnages un proche. Un roman comme tous ceux de Valérie Perrin que l’on peine à lâcher !
À noter, l'adaptation de son roman Changer l'eau des fleurs par Jean-Pierre Jeunet est en cours d'adaptation... Encore un peu de patience avant de voir un jour le film sur les écrans !
L’intégralité de l'entretien avec Valérie Perrin (13 minutes) est à retrouver en haut de cette page.
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