Étienne Klein : "Mon pavé 2018 c’est le combat contre le populisme scientifique"
Philosophe et physicien, Étienne Klein est un expert de la vulgarisation scientifique. Il lutte pour les connaissances scientifiques ne soient pas ramenées au rang de croyances.
Étienne Klein est philosophe, auteur et physicien. Il est professeur de physique et de philosophie des sciences à l’École Centrale. En Mai 68, les slogans auto-contradictoires font naître sa passion pour le paradoxe et sa curiosité scientifique. Aujourd'hui, il lance le pari de la physique moderne : expliquer le réel par l’impossible. Il développe sa réflexion dans son essai Matière à contredire, paru en février 2018 aux éditions de l'Observatoire.
Olivier de Lagarde : Pour un physicien, le monde qui nous entoure, son apparence en tout cas, est fausse ?
Étienne Klein : Elle nous trompe. Observer ne suffit pas pour comprendre.
Qu’est-ce que cela implique dans la connaissance de la connaissance ?
La physique s’est perfectionnée, ses lois sont devenues de plus en plus étranges. Pensez aux lois de la relativité, aux lois de la physique quantique, qui sont des lois qu’on n’observe pas directement. Aujourd’hui, c’est pour ça que j’ai choisi ce pavé. Il me semble qu’apparaît une sorte de populisme scientifique. C’est-à-dire qu’on utilise des arguments de bon sens pour contester le discours des scientifiques, or la science s’est construite contre le bon sens. Il y a un jeu qui est assez dangereux. Par exemple, quand il y a eu la controverse sur le changement climatique, beaucoup ont contesté le discours des scientifiques, des climatologues, en disant : "ces gens-là nous disent qu’on peut prédire le climat sur 100 ans, alors qu’on ne peut pas prédire la météo sur 15 jours". C’est un argument de bon sens, qui est éloquent, convaincant, mais il est faux.
Combattre le populisme scientifique, ça veut dire qu’il n’y a que les scientifiques, il n’y a que la science qui détient la vérité ? Le bon sens n’existe pas ?
Pas du tout. Ce que je veux dire c’est que nous avons tous beaucoup de connaissances scientifiques. Nous savons que la terre est ronde, nous savons que la terre tourne autour du soleil, nous savons que l’atome existe, mais nous ne savons pas dire comment on l’a su. Nous ne sommes pas capables d’argumenter pour dire comment, dans l’histoire des idées, on a compris que la terre était ronde bien avant de voir qu’elle était ronde. Donc il y avait des arguments. Quels étaient ces arguments ? Si on n’est pas capable de les mettre sur la table, alors nos connaissances sont presque traitées comme des croyances.
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