La rentrée au Portugal : inflation, investissements en baisse, et le scandale de l'été lié au milliardaire Armando Peireira
Focus sur le Portugal dans ce nouveau numéro de Micro européen avec Ana Navarro Pedro, journaliste portugaise, correspondante à Paris.
franceinfo : Une rentrée une nouvelle fois bien délicate pour les Portugais ?
Une nouvelle fois oui, comme l'année dernière. Cette année, c'est encore l'inflation qui cause d'énormes soucis dans les ménages. L'indice de confiance des ménages et des investisseurs baisse, est en chute libre pour cette rentrée. Ça n'annonce rien de bon. Les médecins aussi sont en grève dans certaines régions du Portugal, ils veulent plus d'investissements dans le service de santé national, et ils veulent que leurs salaires soient révisés, en fonction de la perte de pouvoir d'achat à cause de l'inflation.
Et le Premier ministre n'est plus vraiment une star ?
Monsieur Antonio Costa, notre cher Premier ministre, qui a été l'idole de la gauche européenne, et l'idole du Portugal, parce qu'il a vraiment donné de l'espoir à ce pays, et il a fait quelque chose pour le pays depuis 2015, et bien là, il y a peut-être l'usure du pouvoir. Il a peut-être d'autres soucis. Il a peut-être d'autres ambitions, mais en tout état de cause, la droite dit "qu'il n'y a plus de capitaine dans l'avion", et que peut-être...Ils ne parlent pas d'élections anticipées, mais quand même…
Et puis Armando Pereira, milliardaire portugais, arrivant très pauvre en France, là, c'est le scandale du Portugal…
Ça, c'est le grand scandale de l'été au Portugal. Il était le numéro deux d'Altice, le grand groupe de Patrick Drahi, en France, c'est SFR, entre autres, pour situer bien l'entreprise. Et grand scandale, les autorités portugaises l'ont placé sous détention à domicile. Lui et quelques autres grands cadres de Altice Portugal, et il est soupçonné de corruption, de fraude fiscale. Fraude fiscale, parce qu'il aurait détourné et gagné énormément d'argent, sans le déclarer au fisc portugais. On parle de 660 millions d'euros.
Et en même temps, il aurait créé toute une série d'autres entreprises écrans, entre Altice et les fournisseurs d'Altice, pour capter une rétrocommission, qu’il plaçait dans des entreprises à lui, dans la zone franche de Madère, une île portugaise dans l'Atlantique. Et ensuite, à Dubaï, dans le Golfe, et donc Altice, l'entreprise elle-même, a eu un préjudice, et les fournisseurs disent que s'ils n'acceptaient pas de payer cette commission, ils perdaient l'affaire, tout simplement, et ils préféraient payer…
Voilà ce qui a poussé Patrick Drahi, à parler pour une fois ?
Pour une fois, cet été, Patrick Drahi – comme on dit au Portugal, il arrive toujours muet et part toujours taiseux – a brisé le silence, et il s'est exprimé là-dessus, sans jamais nommer Armando Pereira. Il a dit qu'effectivement, si les accusations s'avéraient être vraies, il se sentirait trahi.
Armando Pereira a été un jeune Portugais de 14 ans en arrivant en France, comme beaucoup d'immigrés, qui a fait fortune. Un livre célèbre sa vie au Portugal...
Il a fait lui-même écrire ce livre, Le milliardaire aux pieds nus, et effectivement, il est arrivé sans rien, les mains dans les poches en France, et il est devenu milliardaire ici. Ce qui veut dire aussi que la France est un pays de cocagne. Si on veut… Quelque part, si on se donne la peine d'y aller, avec peut-être un peu de chance d'être arrivé au moment où les télécommunications changeaient, il s'est mis dans ce secteur-là. C'est là, quand il avait déjà créé une entreprise de vente de matériel à France Télécom, qu'il a rencontré Patrick Drahi, et les deux ont fondé Altice.
Et l'équipe judiciaire portugaise est une équipe très connue…
Oui, elle a vraiment déterré des cas de scandales, dont l'ancien Premier ministre José Socrates, dont le procès continue, d'entrepreneurs portugais qui avaient un système identique à celui que je viens de décrire, mais passant par la Suisse. Des dirigeants de clubs sportifs. Cette équipe, ce sont des hommes et des femmes aguerris, et à qui on ne la fait pas. Après, pour survivre au Portugal, on a un réseau, on n’en a pas. Et peut-être qu'Armando Pereira a été trop gourmand et trop arrogant. Et peut-être qu'il n'a pas le réseau qu'il lui faut.
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