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Micro européen. Les droites italiennes au rendez-vous du XXIe siècle

La femme politique Giorgia Meloni, est l’inattendue italienne de la classe politique transalpine. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Giorgia Meloni, présidente du parti Fratelli d'Italia, le 6 septembre 2021 lors de son discours de soutien du candidat centre-droit Vincenzo Zaccheo pour les prochaines élections municipales en Italie les 3 et 4 octobre dans 1.162 communes d’Italie dont 18 chefs-lieux de Province dont Milan, Turin, Bologne, Rome et Naples.   (ANDREA PIRRI / NURPHOTO / AFP)

Si notre souvenir de la gouvernance italienne a été bercée par la Comedia dell’arte de Silvio Berluconi, la tendance "jeune premier" de Mateo Renzi, les scandales à répétition de la classe politique transalpine, tel celui de Bettino Craxi, l’inaudible silencieux discours de Romano Prodi, la triste fin d’Aldo Moro, la sulfureuse époque de Giulio Andreotti, il fut même un président du Conseil (Premier ministre) qui s’appelait Ivanoe Bonomi en 1944, cela ne s’invente pas.  

Mais l’Italie est aussi le pays de la fulgurance, où politiquement il faut s’attendre à tout. C’est ainsi que durant les années de plomb surgissait dans l’actualité européenne le parti radical de Marco Pannella "qu’il avait repris en 1963" avec son égérie, Emma Bonino, sans oublier les communistes Palmiro Togliatti et Enrico Berlinguer. Et depuis quelques années, la politique italienne voyait poindre un parti régionaliste du nord, la Lega Nord d’Umberto Bossi devenu Lega avec l’arrivée de Mateo Salvini, un courant de droite nationaliste.  

C’était sans compter avec le MSI, le mouvement social italien, né le 26 décembre 1946, fondé entre autres par Giorgio Almirante sur les décombres de la république de Salo de Benito Mussolini. Aujourd’hui, le fruit du MSI s’appelle Giorgia Meloni, quelque part étoile montante de la République italienne.

Giorgia Meloni

Giorgia Meloni, 44 ans, est née en 1977, à Rome, d’un père sarde et d’une mère sicilienne. Issue de la classe moyenne romaine, grandissant dans le quartier populaire de Garbatella, Giorgia Meloni s’engage en politique à l’âge de 15 ans, dans le Fronte della Gioventù, les jeunes du Mouvement social italien (MSI). Dans les années 90, le MSI devient Alleanza Nazionale de Gianfranco Fini, et plus tard, fusionnera avec Forza Italia de Silvio Berlusconi pour devenir Il Popolo della Liberta en 2008 (pour la coalition) et 2009 (naissance du parti) qui disparaîtra en 2013.

Quant à Giorgia Meloni, elle devient à 29 ans en 2006, vice-présidente de la Chambre des députés, ministre de la jeunesse en 2008 du gouvernement Berlusconi IV. Divorçant avec Berlusconi en 2012, elle sera à la naissance du parti Fratelli d’Italia, créé par Ignazio La Russa, parti dont elle prendra les rênes en 2014.

Deux partis nationalistes

Ainsi, après la Lega de Matteo Salvini, un autre parti nationaliste pointe son nez dans l’arène politique italienne, Fratelli d’Italia, considérés tous les deux en Italie comme des partis de centre droit...

Pourtant Meloni ne suit pas Salvini dans sa coalition avec le parti 5 étoiles de Beppe Grillo des beaux jours de 2018 à ceux de 2019. Et Salvini de faire "rebelote" en soutenant, en 2021, le gouvernement d’unité nationale de Mario Draghi. Là aussi le Tibre sépare Salvini de Meloni, et ni l’un ni l’autre ne sont prêts, pour l’instant, à franchir le Rubicon, quoiqu’en façade ils offrent une image d’entente sur papier glaçé sur les bords des lacs italiens.  

Mais pour l’opinion publique, les discours "cash" de Giorgia Meloni, "Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis chrétienne…", atteignent leur cible, accompagnés de gros titres de la presse : "Une patriote qui lutte chaque jour pour ce qu’elle croit…". Ainsi, pour l’opinion publique, Giorgia Meloni gagne sur Matteo Salvini, elle qui n’a "jamais" cédé aux trompettes des coalitions, dans une Italie où autant la gauche est en perte de vitesse, profitant "un peu" à la droite conservatrice, en attente de la chute du parti penta stellaire de Beppe Grillo.  

Aujourd’hui des électeurs du centre droit voteraient pour Meloni, ainsi que les déçus du berlusconisme et du salvinisme. Et Meloni se présente dans sa solitude comme le leader d’une droite décomplexée d’opposition, conservatrice et nationaliste, travaillant pour l’Italie et les Italiens, la famille traditionnelle, le catholicisme, et une Europe confédérale des patries, ce qu’elle prône aussi au Parlement européen, en tant que présidente du Parti des conservateurs et des Réformistes européens.  

L’ère Draghi  

On l’aura compris, tout peut arriver aujourd’hui en Italie, à l’heure où les déceptions électorales sont légions, pour un pays qui est entré en campagne des municipales cet automne, présidentielles en 2022 et législatives en 2023. Aujourd’hui, l’Italie est gouvernée par Mario Draghi, le banquier européen, et Sergio Matarella, la présidence de la République.  

Si pour certains observateurs, Giorgia Meloni préside le dernier parti idéologique d’Italie, d’autres s’accordent à rappeler son passé post-fasciste. Dans la farandole des sondages, certains la créditent de 20,4% contre 20,9% pour Matteo Salvini, et pour d’autres, Fratelli d’Italia aurait dépassé la Lega.

Pour autant, Giorgia Meloni a été reçue par le président du Conseil, Mario Draghi, au printemps dernier, une longue entrevue qui soulève bien des interrogations et qui complète un certain sentiment de l’opinion publique où Giogia Meloni remporte 32% d’avis favorables face au 42,8% pour Mario Draghi. Evénement certainement, comme le rappelle notre invité Daniele Zappala, journaliste correspondant du quotidien italien Avvenire, pour qui l’envolée politique de cette femme de 44 ans dans un cénacle gérontocratique ne peut passer inaperçu. Il faut dire que les enjeux à venir ne sont pas anodins.  

Quand Mario Draghi ne cesse de répéter que l’Italie se débrouille seule avec l’immigration sans aide de l’Europe, bien que le président du Parlement européen David Sassoli soit italien, que l’Italie reste bien discrète au Conseil de l’Europe,  que la natalité en Italie est en chute libre, les échéances électorales seront d’importance pour l’avenir de la péninsule.

Pour l’heure les élections municipales pourraient donner le "la" d’une nouvelle ère politique italienne, d’autant plus que le président de la République, Sergio Matarella, a déclaré qu’il ne se représentera pas en 2022. Ainsi, la route de la présidence serait ouverte, et nul n’ignore que Mario Draghi se verrait bien à la législature suprême, on parle aussi d’Emma Bonino, ou de Marta Cartabia, l’actuelle ministre de la justice italienne.

Mais quid pour la suite, c’est-à-dire les élections législatives de 2023, tout en sachant que les élections législatives allemandes de la fin de ce mois et les présidentielles françaises sont toutes deux attendues en Italie.

I domani ?  (Et demain ?)

Quant à Giorgia Meloni, qui s’oppose au pass sanitaire transalpin, sa solitude politique est un atout pour elle, surtout qu’elle ne pense pas seulement à son pays, mais aussi à l’Europe où face à un axe franco-allemand très vieillissant, Giorgia Meloni pense aussi à un axe Paris-Rome, quelque part le début d’une Union européenne du nord de la Méditerranée, ce qui est loin d’être irréel.

Et s’il s’agit de son avenir politique à Rome, nul n’est prophète, rien n’empêche d’avancer qu’elle ne refusera pas la tête d’un gouvernement prochainement, mais si tous les chemins mènent à Rome, rien n’est impossible dans la Ville éternelle, l’histoire l’a déjà prouvé…

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