Micro européen. Pour Matteo Salvini, tous les chemins ne mènent pas à Rome
La politique italienne est l’égale de la recette du minestrone, beaucoup d’ingrédients pour une cuisson à bien surveiller.
Les dernières élections régionales italiennes ont quelque peu donné le début d’un ton en Italie, c’est-à-dire que la classe politique italienne s’évertue à faire barrage au parti nationaliste de Matteo Salvini, la Ligue du Nord, alliée avec un autre parti italien nationaliste, Fratelli d’Italia.
Ces premières élections régionales n’ont pas eu l’effet escompté pour Matteo Salvini, car au résultat final, c’est la droite italienne qui a remporté 12 régions contre sept pour le centre gauche. Mais d’autres scrutins régionaux importants attendent les Italiens au printemps prochain, ainsi les espoirs de Salvini ne sont pas encore défaits. Pour autant, rien n’est réglé en Italie, qui vit encore et toujours avec une épée de Damoclès sur la tête, c’est-à-dire la chute probable du gouvernement.
L’Émilie-Romagne a donné le LA
Si en Calabre, le parti de Matteo Salvini, la Ligue du Nord, a remporté les élections régionales de janvier 2020, ses espoirs de gagner en Émilie-Romagne ont été vains. L’Émilie-Romagne, c’est-à-dire Bologne, Parme, Rimini, Ravenne, c'est l'une des plus riches provinces d’Italie, qui compte entre autre Ferrari, Maserati, Lamborghini, Barilla, les producteurs de jambon de Parme, de parmesan, et de ricotta, donc une région qui n’a jamais eu besoin de Rome, et qui a toujours été bien éloignée de la capitale italienne. Région réputée à gauche depuis 70 ans, mais dont le PIB est de 35.000 euros par habitant, l’Émilie-Romagne a élu le Parti démocrate, de gauche, qui a battu le parti nationaliste italien qui comptait bien remporter la timbale.
L’obstruction contre Salvini
Si une bonne partie de l’Italie s’oppose à une supposée remontée de Salvini, cette opposition pour l’instant compte aussi des industriels et l’Église, une fois n’est pas coutume. Mais il en va du rêve de Salvini, soit une nouvelle marche sur Rome, et que cela ne se réalise jamais pour ses opposants. Mais rien n’est encore acquis, ni pour les uns, ni pour les autres, le flou demeure.
Si comme nous en informait notre invité, le journaliste Daniele Zapalla, le festival de la chanson italienne de San Remo a récompensé cette année la chanson Fai rumore (fais du bruit) du chanteur Diodato, cette chanson incarne bien l’actualité italienne qui voit depuis quelques mois les Italiens descendre dans la rue.
En plus des adhérents du Mouvement 5 étoiles, parti majoritaire à la chambre des députés et dans la coalition gouvernementale, qui, depuis bien longtemps, ont "pris" la rue italienne avec force agitation, une autre impulsion populaire spontanée a vu le jour dernièrement, le mouvement des Sardines, dit antifasciste. Ici, aucune structure politique institutionnalisée, mais un élan de la rue transalpine contre le parti nationaliste et ses affidés. Mais comme tout peut arriver en Italie, il faut le redire encore et toujours, que le gouvernement tienne bon, ce qui n’est pas gagné.
Un gouvernement en sortie de crise
C’est en septembre dernier que le gouvernement de Giuseppe Conte a prêté serment le 5, devant le président de la République italienne, Sergio Mattarella. Il avait fallu un mois à l’exécutif italien pour se réformer, après la démission de Matteo Salvini du ministère de l’Intérieur, qui avait provoqué une crise politique. Un gouvernement de coalition se mettait ainsi en place avec les sociaux-démocrates et encore le Mouvement 5 étoiles.
Ce qui, depuis l’automne dernier, n’a pas empêché le même Mouvement 5 étoiles à se faire entendre sur le pavé italien, ironie du sort pour un parti qui se voulait anti-système, se retrouvant dans une coalition gouvernementale une nouvelle fois, tenant la corde au parlement, alors que ce même Mouvement 5 étoiles était déjà en coalition gouvernementale avec le parti nationaliste de Salvini, avant que ce dernier fasse voler en éclat cette alliance.
Comprend qui peut… Et si tout le monde s’est accordé à dire que les dernières élections régionales ont sauvé le gouvernement, puisque le Parti démocrate, donc la gauche, arrive en tête avec 34% des suffrages régionaux, rien ne sert de crier victoire quand cette gauche est talonnée par les nationalistes de Salvini avec 31,9% des suffrages. Quant au niveau national, c’est bien la droite italienne qui reste majoritaire. Enfin, n’ignorons point le retour de l’ancien Premier ministre, Matteo Renzi, avec son nouveau parti, Italia Viva, qui pour l’instant, ne fait pas merveille, mais qui pourrait peut-être bien gêner politiquement l’actuel Premier ministre, Giuseppe Conte.
Force de proposition pour sortir de l’ornière
C’est la raison pour laquelle, Giuseppe Conte, le Premier ministre italien, vient de se lancer dans un plan décennal dont l’objectif est de réduire l’écart entre le Sud et le Nord du pays. Ici, rien de nouveau, l’Italie a souvent connu des vœux pieux et des formules politiques désireuses de résorber l’écart entre le riche Nord italien et le pauvre Mezzogiorno, soit le Midi.
Cette fois le plan a pour nom "Mezzogiorno 2030". Un plan de 10 ans, où il est question de dynamiser l’emploi, surtout pour les femmes, en passant par des exonérations de charges sociales ; l’aide à la création d’entreprise et de zones économiques dites spéciales ; les transports ; la rénovation des infrastructures, soit un plan de 123 milliards d’euros quand l’Italie connaît une dette publique de 130% du PIB. Les Italiens attendent donc, qu’après les propositions et les annonces du Premier ministre, la machine se mette en route, ce qui sera une toute autre affaire, car ce plan pourra aussi bien servir les opposants nationalistes que les amis politiques et alliés de gauche de Giuseppe Conte, dont Matteo Renzi, sans oublier le Mouvement 5 étoiles, n’ayant pas fait florès au dernières élections régionales et qui aborderait un début de chute populaire.
Ainsi donc, "Mezzogiorno 2030" devra vite se mettre en route, pour rassurer les uns, et décourager les autres, et cela avant le prochain scrutin du printemps prochain. Quant à Giuseppe Conte, il se doit de bien tenir la barre du navire Italie, car les marins le savent bien, les tempêtes méditerranéennes sont souvent bien plus furieuses que les océaniques…
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.