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Blocage des loyers : en attendant une loi d'ensemble

C'était une promesse de campagne, et le gouvernement devait agir vite ! Cécile Duflot, ministre en charge du Logement, vient donc de l'annoncer, il y aura blocage des loyers, peut-être dès le mois de septembre, en attendant une loi plus vaste sur le logement, prévue pour 2013.
Article rédigé par franceinfo
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Bien évidemment, la mesure fait débat, et quelques ombres subsistent, notamment sur le plan juridique.

Le point, avec Jean-Michel GUERIN, Directeur Général du groupe de Particulier à Particulier . Tout d'abord, ce n'est pas une surprise, tout le monde attendait cette mesure.

Tout d'abord, en aucun cas, même si cette mesure est attendue, elle ne peut résoudre la crise du logement, contrairement à ce que soutient Cécile Duflot. Un décret de blocage des loyers peut, en effet, calmer les dérives du marché, mais en aucun cas pallier la pénurie de logements que nous connaissons dans les grandes métropoles. En bref, le blocage des loyers peut satisfaire l'opinion publique, certes, mais c'est un peu comme de l'aspirine en cas d'infection. On soigne un symptôme, la fièvre,  pas les causes. C'est pour cette raison que l'on parle de mesure d'urgence !

Mais quand même, on ne peut pas nier que les loyers sont arrivés à des niveaux insupportables ?

Oui, c'est vrai, dans les zones où le marché est tendu, c'est-à-dire dans les grandes agglomérations. Mais pas seulement les loyers !! Quelques chiffres pour remettre les choses en perspective :

Il est vrai que les loyers, à Paris, ont augmenté de 51 % entre 2001 et 2011, alors que l'inflation n'augmentait que de 18,7%. Mais il est aussi vrai que le prix des logements, à la revente, a, dans cette même période, augmenté de 153 % ! Le prix des loyers a donc augmenté plus vite que l'inflation, mais trois fois moins vite que le prix des logements. Pour les propriétaires, la location, pendant cette période, est donc devenue moins rentable. On ne peut donc pas parler de spéculation, ni d'embolie spéculative.

Mais la mesure aura quand même des effets, dès la rentrée, notamment pour les jeunes ?

Oui, un peu, et un peu seulement. La solution que Madame Duflot envisage est de prendre un décret en application de la loi du 6 juillet 1989. La loi du 6 juillet 1989 régit le statut des locations vides et uniquement celui des locations vides. Or, dans les grandes agglomérations, plus de la moitié des petites surfaces sont louées en meublé. Les bailleurs ont, en effet, préféré en majorité ce statut, plus favorable d'un point de vue réglementaire et fiscal. On ne peut bloquer les loyers de ces locations meublées par simple décret. Or, ce sont des petites surfaces, studio et deux pièces, qui sont louées en meublé et donc, à destination des jeunes et des étudiants.

Pour les locations vides, le blocage sera effectif ?

Si on doit en passer par un blocage, il faut l'espérer, mais ce n'est pas une certitude. En effet, la loi de 1989 permettait d'instaurer un blocage des loyers, en cas de nouvelle location ou de changement de locataire. C'est sur cette possibilité que Madame Duflot envisage de s'appuyer. Mais, une loi de 1994 est intervenue ensuite, pour dire que la faculté, pour le gouvernement, de bloquer les loyers par décret n'était valable que jusqu'au 31 juillet 1997. Depuis août 1997, en cas de changement de locataire, le loyer est donc fixé librement. Et, dans la hiérarchie des textes, un décret ne suffit pas à contrer une loi. Donc, il  risque d'y avoir une impossibilité technique sérieuse !

Mais, peut-on imaginer que le cabinet de la Ministre ait annoncé cette mesure à la légère ?

Pas tout à fait ! En fait, le cabinet du ministre est pris en étau. Il est vrai que la situation est urgente et qu'elle demande, pour y remédier, de multiples mesures, sur le long terme. Mais, pour l'instant, il faut donner une suite à la campagne présidentielle et réponse aux candidats locataires qui ont du mal à financer leur location. Donc, dans l'urgence, les techniciens du ministère cherchent des possibilités, même bancales, avant qu'une proposition de loi soit déposée. Mais une proposition de loi sur le logement, compte tenu de l'ampleur des problèmes, demande du temps, des concertations, et un processus d'élaboration forcément trop long pour l'opinion publique. Donc, entre urgence et long terme, entre le besoin de faire des annonces et la nécessité de réfléchir à une situation complexe, il y a un peu de bricolage ! En résumé, la ministre aurait besoin de temps, mais n'a pas le temps d'attendre !

Mais plaçons-nous dans le moyen ou long terme. Le blocage des loyers verra le jour, est-ce une bonne chose ?

Les professionnels et les associations de bailleurs considèrent que non, qu'une telle mesure est même contre-productive. Les bailleurs, y voyant une atteinte à leur droit de propriété risqueraient de se détourner de l'investissement immobilier, et c'est vrai que nous l'avons déjà vu dans le passé, et, de plus, ne seraient plus incités à entretenir le logement et à y faire les travaux nécessaires entre deux locations.

Mais il faut bien que les locataires trouvent à se loger à prix raisonnable ?

Oui, c'est vrai, mais il y a trois systèmes envisageables : un système purement libéral, qui devrait s'autoréguler, mais ce n'est pas le cas. Un système purement interventionniste où l'état réglemente le prix des loyers. Ca n'améliore pas l'offre de logement. Et un système qui mélange un peu les deux doctrines : on réglemente les loyers provisoirement, et on cherche à augmenter l'offre, ce qui permettra de revenir à un système purement libéral ou le marché sera équilibré, donc s'autorégulera. Dès que le marché est équilibré, on peut mettre un système de contrôle des loyers, non de blocage, un peu comme en Allemagne. En, Allemagne, pour que le locataire puisse réclamer une baisse de son loyer, il faut qu'il démontre que celui-ci est supérieur de 20 % aux loyers des logements comparables. Il faut donc procéder par étape.

Les agents immobiliers, la FNAIM, la Fédération des Agents Immobiliers, préconisent un dispositif d'aide : en échange d'un loyer diminué de moitié, le propriétaire bénéficierait d'avantages fiscaux. Que faut-il en penser ?

Et bien, la FNAIM propose en effet que les bailleurs qui réduiraient leur loyer de 50 % soient moins imposés sur les revenus locatifs, moins imposés au titre de la plus-value et que la valeur des logements concernés soit diminuée au regard de l'ISF. La FNAIM voudrait donc obtenir des avantages pour les propriétaires, quitte à mettre le marché locatif sous perfusion. Bref, on voit bien le déséquilibre, puisque des deux côtés, on demande de l'aide ! D'un côté, des propriétaires qui ont acheté le logement très cher, et qui ne peuvent pas répercuter cette hausse des prix sur les loyers, parce que, de l'autre côté les locataires n'ont plus les moyens nécessaires pour payer le loyer. Ce n'est pas une situation très saine !

Bon, d'accord, mais quelles sont les possibilités du gouvernement pour améliorer l'offre ?

Sans améliorer l'offre, on peut déjà déplacer la demande. Moins de centralisme et un meilleur équilibre du territoire permettrait de répartir la pression de la demande et de ne plus la concentrer sur Paris et quelques grosses agglomérations. Pour le reste, il faut construire, encore construire, et toujours construire. Ce sont de vastes projets.

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