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On s'y emploie. Le patron qui ne voulait pas être chef

 "On s'y emploie", c'est tous les dimanches un gros plan sur le monde du travail, avec une personnalité qui l'éclaire. 

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Alexandre Gérard, le patron qui ne voulait plus être chef.  (chefdentrerpise.com)

Aujourd'hui l'histoire d'un "Patron qui ne voulait plus être chef". C'est le titre du livre qu'Alexandre Gérard vient de faire paraître chez Flammarion. Un plaidoyer pour libérer l'entreprise de sa hiérarchie. Alexandre Gérard dirige Inov'On, à Nantes.

Quand et comment avez-vous décidé de ne plus être chef ?

C'est une histoire assez simple, création d'entreprise en 1995, à partir de zéro, c'est une très belle histoire entrepreneuriale puisqu'une dizaine d'années plus tard on a passé la barre des 300 personnes. 2009 arrive, c'est un cauchemar, l'entreprise s'effondre il faut licencier beaucoup de monde pour réussir à survivre.

Et là c'est la quête : comment faire en sorte de ne jamais revivre ça ? Il y a deux rencontres qui arrivent à ce moment-là, celle de Jean-François Zobrist, l'ancien patron emblématique d'une fonderie picarde qui fonctionne sur des paradigmes différents depuis plusieurs années, et celle d'Isaac Getz, le co-auteur de "Liberté et compagnie". Ces deux hommes vont m'ouvrir les yeux sur cette nouvelle façon de regarder l'entreprise, c'est à ce moment-là que nous avons commencé cette reconstruction.

Si un chef ne décide plus, qu'est-ce qu'il fait ?

A.G. : l'idée c'est de passer du pouvoir du père, le patron, au pouvoir des pairs. Le pouvoir collectif. Pour autant le patron et les managers ont des rôles très important dans l'organisation. Mais on apprend plutôt à être comme des jardiniers présents pour apporter aux équipes tous les nutriments nécessaires pour leur permettre de grandir, de se réaliser et de s'épanouir. 

Mais concrètement, vos journées de travail, ça consiste en quoi ?

A.G. : il y a trois métiers. Le premier c'est de passer son temps à mettre la vision au coeur de l'action, l'église au milieu du village, parce que même si la vision chez nous a été co-construite, elle passe son temps à s'évaporer. Le deuxième c'est créer l'environnement nourricier qui va permettre aux équipes de grandir et puis c'est d'être aussi gardien du temple ou de la culture, préserver ses espaces de liberté, et garantir la ligne de flottaison du navire. 

Il y a des cadres, des managers qui ont perdu leur métier avec votre organisation, comment ont-ils vécu ça ?

A.G. : ce n'est pas facile, passer d'un boulot où on est sur la quête de la performance individuelle, et réussir à abandonner ce regard sur l'entreprise pour être dans une logique de performance collective. Ça sous-entend un travail de remise en question personnelle qui se fait avec un coach, un travail perso, et l'apprentissage de tous les outils de l'apprentissage collectif  qui vont permettre de créer les conditions pour qu'ensemble on puisse décider.

Il y a quand même des conflits dans une entreprise libérée ?

A.G. : évidemment, comme partout, mais on profite de chacune des tensions pour aider l'organisation à grandir. On va notamment former nos équipiers à ce que l'on appelle la communication non violente.

Il faut que chacun ait fait sa psychanalyse pour travailler chez vous...

A.G. : en tout cas que chacun ait fait une réflexion sur le sens des organisations. Aujourd'hui le modèle dominant c'est l'organisation pyramidale. Ce qui sous-tend ce type d'organisation c'est que les gens n'aiment pas travailler. Et donc le manager est là pour leur dire ce qu'il faut faire. Et s'ils ont bien fait le boulot : carotte, s'ils n'ont pas bien fait le boulot : bâton. Dans notre organisation on pense que le travail c'est naturel, aussi naturel que le loisir. 

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