Le jour où Ravi Shankar a failli déclarer forfait du festival Les Suds
Dans "Petite histoire de festivals", Yann Bertrand vous raconte les anecdotes, les moments forts de ces petits et grands événements qui n'auront pas lieu cet été ou en tout cas, pas dans leur forme initiale… Aujourd'hui, souvenir d'un moment de flottement autour de la légende de la musique indienne, Ravi Shankar.
Ce vendredi matin, le 8 juillet 2005, à l’aéroport de Marignane, une légende se présente devant le tapis roulant à bagages : Ravi Shankar. Les traits tirés, son costume traditionnel indien très coloré sur le dos. Il est censé se produire, avec sa fille Anoushka, au théâtre antique d’Arles, pour le festival Les Suds, dans un peu plus de 48 heures.
C'est un grand moment pour Stéphane Krasniewski, le directeur des Suds. "Ravi Shankar, à l'époque, avait 85 ans, se rappelle-t-il. C'était un maître de la musique indienne. Il avait notamment joué avec les Beatles, il était à Woodstock…"
Mais au moment de récupérer ses deux sitars, des instruments séculaires à la vibration quasiment sacrée, catastrophe : tous deux sont fracassés, en morceaux. Ils n’ont pas survécu au voyage depuis Carthage. C’est le pire qui pouvait arriver.
Sans instrument, à deux jours du concert
Pour les organisateurs du festival, une course contre la montre s’engage. "Le samedi, un sitar arrive depuis Londres, mais il ne convient pas au maître indien, se rappelle encore avec angoisse l'organisateur. On a un communiqué de l'AFP, on active nos propres cellules, c'était le début des réseaux sociaux, Facebook en était encore à ses prémices… Beaucoup de propositions arrivent, il y a une mobilisation incroyable de musiciens basés en France qui proposent d'amener leur instrument."
Les heures passent, l’inquiétude grandit. Ravi Shankar est au plus mal, impossible de se produire sans un sitar qui lui convienne. Nous sommes le dimanche matin, le jour du concert : "Finalement, le luthier de Ravi Shankar arrive à lui faire expédier l'instrument. Il arrive en début d'après-midi, le dimanche, juste avant la balance."
En dessous de la scène du théâtre antique, on l'a entendu se familiariser avec ses instruments, les apprivoiser.
Stéphane Krasniewskià franceinfo
Le directeur des Suds se souvient de ce moment unique. "Ce vieux monsieur montrait une certaine fragilité. Il a pu monter sur la scène du théâtre antique le soir, décrit-il. Le vent s'est, comme par miracle, arrêté, et lui a donné un concert de toute beauté. Sur scène, il était comme transfiguré. Cela restera vraiment une date marquante pour le festival."
Assis en tailleur au centre de l’arène, Ravi Shankar et sa fille Anoushka domptent les éléments. En coulisses, toute l’équipe des Suds respire alors un grand coup… Il y aura un peu de Suds, à Arles, cet été avec une édition "réinventée" qui se poursuit ces jours-ci.
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