Planète Sport. En Afrique du Sud, le rugby est-il toujours blanc ?
Les quotas imposés dans le rugby sud-africain n’ont pas résolu le problème de l’intégration des noirs dans ce sport, emblème du pays. Il faut aller plus loin dans la transformation et impliquer les clubs à tous les niveaux.
Planète Sport, le rendez-vous de l’été qui explore les sujets à la lisière entre le sport et la politique, nous emmène aujourd'hui en Afrique du Sud. Vingt-cinq ans après le projet de la "Nation Arc-en-ciel" de Nelson Mandela, le rugby sud-africain s’est-il débarrassé de son image de “sport de blancs” ? Un programme de transformation de la représentation raciale en équipe nationale a été mis œuvre mais le sujet est toujours sensible au pays des Springboks, vainqueurs l’an dernier au Japon de leur troisième titre mondial.
Jouer pour transformer
Qu'ils étaient beaux et métissés ces Springboks lors de la dernière coupe du monde, un équilibre rigoureux de couleurs représentées sur le terrain, une "nation arc-en-ciel" telle qu’en aurait rêvé Nelson Mandela ? Le troisième ligne et capitaine Siya Kolisi n’en est pas si sûr. "Mandela, pense-t-il, n’aurait pas adhéré à la politique de quotas imposée par le gouvernement. Vous ne pouvez pas régler ce problème avec des chiffres.” Quelques mois avant la compétition, une tempête de critiques s’abat sur le premier capitaine noir des Springboks qui concède : “Jouer pour l’Afrique du Sud, c’est très dur. On veut gagner tout en assurant la transformation.”
Des Springboks condamnés à la victoire pour garantir le succès de la transformation du rugby et incarner le modèle d’une nation unifiée. Le tout ne reposant que sur de simples quotas ? Le pari est plutôt dangereux. Que ce serait-il passé si les Boks n’avaient pas gagné cette coupe du monde ?
Parler la même langue
“Il y a toujours eu une forme de résistance au changement. La transformation, particulièrement chez certains blancs, a toujours été perçue comme une punition", explique Eduard Coetzee, ancien joueur. Avant de prendre la direction des Sharks de Durban, il a fait un détour par l’université pour écrire une thèse sur les méthodes de la transformation. Selon lui, il faut aller plus loin qu’imposer des quotas, et c’est ce que font les Sharks. Chaque nouvel arrivant doit embrasser la pensée directrice du club, celle de la diversité. Et tout commence par une évidence : parler la même langue.
“En Afrique du Sud, il y a 11 langues différentes. Si vous venez de l’Ouest, que vous parlez l’Afrikaner et que le joueur d’à côté parle Zoulou, l’intégration devient plus dure si tout le monde ne communique pas en anglais, analyse Eduard Coetzee. Nous allons régulièrement dans les townships, et nous y allons ensemble. Pas uniquement avec des joueurs blancs qui font la promotion de leur sport. On y va avec des joueurs qui viennent de ces townships", détaille-t-il.
Si l’implication est au centre de votre organisation, dans l’équipe, l’encadrement, l’administration, les médecins, votre satisfaction dure bien plus longtemps qu’une simple victoire dans un match. Et si ce modèle catalyse l’attention dans votre ville, votre région, votre pays, alors vous pouvez changer durablement les choses
Eduard Coetzeeà franceinfo
Cette vision portée par les Sharks de Durban est encore très isolée. C’est pourtant celle qui va dans le sens de l’histoire. Mandela disait : “Le sport a cet avantage de pouvoir unir des gens qui ne pourraient pas l’être par les politiciens et c’est peut-être encore plus important ici que dans n’importe quel autre pays.”
En désignant le rugby comme maître d’œuvre de l’unité sud-africaine, Nelson Mandela a aussi transmis aux Springboks une responsabilité encore très lourde à porter dans le pays considéré encore aujourd’hui comme le plus inégalitaire au monde.
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