Prenez soin de vous. Cherchez le "bonheur réel"
Tous les jours, Edwige Coupez propose des clés et des conseils pour le bien-être au quotidien. Aujourd'hui : apprendre à atteindre le "vrai" bonheur.
Le bonheur est-il la nouvelle obligation de notre société ? "Une rentrée sous le signe du bonheur", c'était le discours du ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer lundi 3 septembre. Après une semaine d'école, mes filles ne sont pas malheureuses, mais elles m'ont encore dit ces derniers jours qu'elles seraient bien restées en vacances. Alors, pourquoi vouloir mettre le bonheur à toutes les sauces ? Des chercheurs en arrivent à dénoncer une dictature du bonheur. Dans Happycratie, la sociologue Eva Illouz et le psychologue Edgar Cabanas parlent d'une industrie du bonheur qui a pris le contrôle de nos vies. Un autre sociologue, Gaël Brulé, alerte dès le titre de son livre Le bonheur n'est pas là où vous le pensez. Ainsi, comme la chanson de Christophe Maé, on peut quand même se demander : il est où le bonheur ?
Apprendre à s'écouter
Gaël Brulé se pose cette question depuis dix ans. À l'époque, l'ingénieur qu'il était s'étiolait dans le milieu du conseil, il s'est donc demandé pourquoi il n'était plus heureux et pourquoi les Français se disaient malheureux alors que le pays pointe à la 23e place (sur 156) du World happiness report, un classement qui se base sur la qualité de vie. Gaël Brulé s'est alors lancé dans une thèse sur le sujet, à l'université de sociologie de Rotterdam aux Pays-Bas, puis il en a fait sa spécialité à l'université de Neuchâtel en Suisse. Il explique que cette obsession du bonheur remonte aux années 50 aux États-Unis, quand les spécialistes du marketing ont érigé le bonheur en valeur suprême pour encourager les Américains à consommer. Les grandes marques de sodas et de pâte à tartiner l'ont parfaitement intégré, et nous aussi, en parfaits petits soldats.
Nous alimentons cette course au bonheur consumériste en partageant en masse les images de nos vies parfaites sur les réseaux sociaux. À chacun sa conception du bonheur, mais pour Gaël Brulé, c'est un bonheur clandestin, dicté, imposé par les standards de la société, et loin du bonheur réel. Faites l'essai. Demandez-vous ce qui vous rend heureux, sans tomber dans les clichés des voyages, de la maison ou de la famille. Comment trouve-t-on ce bonheur réel ? "Tu ne seras jamais heureux si tu continues à chercher en quoi consiste le bonheur", disait Albert Camus. Alors posez-vous une deuxième question : "Est-ce que je fais des choses pour mes parents, mon conjoint, mon environnement, ou par envie et par passion ?" La dichotomie est importante et montre à quel point on a perdu notre capacité à s'écouter pour être vraiment heureux.
S'engager dans un groupe
À cette dimension personnelle, Gaël Brulé ajoute une dimension collective, indissociable selon lui. Il incite d'ailleurs à considérer le bonheur, non pas comme un objet qui nous appartient, mais comme une ressource à partager. Ainsi, les individus matérialistes seraient plus malheureux que ceux qui dépensent leur argent pour une œuvre caritative ou pour un week-end entre amis. Dans cette optique de partage, il incite aussi à faire un pas vers ceux que l'on ne connaît pas, pour renforcer les liens dans la société.
Le sociologue encourage aussi l'engagement, le bonheur des individus augmentant avec le sentiment de pouvoir influencer le destin collectif, même localement. C'est la métaphore du colibri apportant sa goutte d'eau pour éteindre un feu de forêt. Cette idée du bonheur a peut-être déjà été intégrée par la jeune génération. Selon une étude du Conseil national d’évaluation du système scolaire publiée vendredi 7 septembre, près d'un élève de terminale sur deux est déjà engagé dans des associations humanitaires ou de défense de l’environnement. Finalement, le bonheur à l'école n'est peut-être pas si loin.
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