Au Canada : entre la banquise qui fond et les forêts qui brûlent
En France, l’an dernier, nous avons touché du doigt le changement climatique. Ce n’était plus une question de blocs de glace se décollant dans les zones polaires, à l’autre bout de la planète. Les incendies du sud de la Gironde et du bassin d’Arcachon ont révélé la notion d’urgence, sous nos yeux, devant chez nous. Et cette année, la pénurie d’eau, alors que l’été n’a pas commencé, des robinets à secs et des piscines qui doivent rester vides. Tout cela est inédit en France.
Au Canada, c’est déjà de l’histoire ancienne, si l’on peut dire. La banquise qui fond, les feux de forêt, l’hiver qui se réduit dans le temps, la neige de plus en plus tard, les saisons chaudes encore plus chaudes. Et le narratif journalistique, devant ces épisodes à répétition, s’exerce sur des logiques de record sans cesse battus.
La tragédie des feux de l'Alberta
Si l’on regarde statistiquement la tragédie des feux de l’Alberta, toutes les valeurs sont historiques. Un million d’hectares, soit 12 fois la ville de Calgary et sa banlieue, le pire incendie de l’histoire de la Province. On est à peine dans les beaux jours canadiens, que les valeurs s’accompagnent du terme "jamais vu, jamais connu". Heureusement que la pluie a prêté main forte aux pompiers.
Pendant que les feux ravageaient la forêt, les reporters racontaient les drames humains qui en découlaient, les maisons calcinées, les quartiers évacués. De la fenêtre de leur hôtel, les envoyés spéciaux de Radio Canada ont eu la surprise de voir le feu arriver à proximité. À peine le temps de prendre la photo, ils ont été évacués.
Les journalistes qui couvrent l’environnement, comme le très réputé et populaire Etienne Leblanc à Radio Canada, que l’on entend aujourd’hui dans Profession reporter, concèdent une forme de découragement. Les mêmes histoires chaque année, et le lien scientifique avéré avec le réchauffement climatique, qui ne soulève aucune réaction citoyenne, aucune prise de conscience politique, en tous cas pas à la hauteur des enjeux, qui ne se profilent même plus à l’horizon, mais qui sont devant nous.
Ne serait que le sujet de la voiture, modèle de la culture nord-américaine. L’électrique et le carburant propre, on en est loin. Les grosses berlines et les gros 4x4, forts utiles dans les grands espaces canadiens, disent leurs acquéreurs, se vendent de plus en plus. Et depuis Montréal, vue l’immensité du territoire canadien, l’Alberta, c’est loin. Rien à voir avec la ville de Calgary qui respirait les relents de fumée, et voyait le ciel s’assombrir, dans des conditions anticycloniques.
Alors Etienne Leblanc sort de son rôle de journaliste, ou peut-être décide-t-il de l’étendre à une notion de transmission. Il donne des conférences, intervient dans les établissements scolaires, veut aiguiser les consciences. Ses derniers éditos portent sur l’adaptabilité de l’humain à la sécheresse, aux inondations, aux feux de forêt.
S’adapter, ça coûte cher, mais puisque personne ne prend la responsabilité de modifier des comportements, il faut alors définir des règles pour s’adapter, faire en sorte de limiter l’étendue des feux de forêts, en replantant différemment (par exemple) ou en revenant aux techniques ancestrales des peuples autochtones. Pour éviter les incendies, ils provoquaient volontairement des feux de broussailles et épineux qu’ils encadraient. Un feu circonscrit à un périmètre défini et maîtrisé. Ces méthodes du XIXe siècle, passées de mode, resurgissent aujourd’hui dans les débats.
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