Correspondant à l'étranger : comment regarder ailleurs ?
Comment une journaliste italienne observe-t-elle l’actualité en France, et comment, en sens inverse, juge-t-elle le travail des journalistes français vers son pays ? Le poste de correspondant à l’étranger est avant tout un rempart contre la caricature. On doit parler d’un pays au-delà des clichés, et des représentations biaisées qui en sont faites.
L’exercice n’est pas si simple
Plutôt que d’interroger un envoyé spécial permanent français, au-delà de nos frontières, nous avons questionné une journaliste italienne, en place à Paris. Quel regard sur notre actualité française, et quel regard sur notre approche de l’actu italienne ?
Elle s’appelle Chiara Piotto. Présentatrice vedette de la chaîne tout info Sky TG24, elle aurait pu se satisfaire de sa notoriété en plateau, mais elle s’est mise à l’épreuve. Investir les nouvelles formes du numérique et embrasser une carrière de reporter à l’étranger. La voilà à Paris, correspondante de Sky Italia en France, plongée ces derniers jours dans les manifestations contre le projet de loi relatif à la réforme des retraites.
Elle admet sa surprise devant les mobilisations. L’Italie ne conteste plus ainsi les projets de gouvernement dans la rue, les cortèges se sont étiolés au fil des ans et des revendications, une forme d’essoufflement. Et sur la thématique des retraites, cela fait plus d’une décennie que l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 67 ans. Il faut donc beaucoup de pédagogie et de compréhension des enjeux, pour expliquer aux Italiens que les Français ne veulent pas d’un départ à 64 ans. Que l’opposition au texte porte sur les principes d’équité, et qu’il faut fouiller dans les articles du projet de loi, pour retraduire l’essence des débats à l’assemblée, et dans la rue.
Mais dans le même temps, Chiara Piotto se montre frappée par les raccourcis de la presse française sur l’élection de Giorgia Meloni à la tête du gouvernement italien. Titrer "Le retour du fascisme en Italie", est sans doute exagéré, au vu du parcours de la nouvelle pensionnaire du palais Chigi. La traitait-on de fasciste quand elle était ministre de l’Éducation de Silvio Berlusconi ? S’est-on étonné à l’époque qu’un tel portefeuille (l’éducation de nos enfants) soit confié à une ancienne chemise brune ?
Sans doute la réalité est-elle plus nuancée, et voilà alors la correspondante italienne, contrainte de jouer un rôle qui lui déplait, prendre une position plus modérée, qui la place dans une posture de défense de Giorgia Meloni, ce qu’elle ne souhaite pas au préalable, mais le nécessaire équilibre d’une information juste, le requiert.
Notre époque vit dans un vertige permanent qui aspire les mémoires
On a déjà parlé de l’extrême droite au pouvoir avec Matteo Salvini, puis on a eu le prétendu populisme de Beppe Grillo et du mouvement cinq étoiles, une gauche technocratique, puis une droite radicale. Les gouvernements continuent de changer à un rythme qui ne voit pas arriver le terme des mandatures en Italie.
Une équipe chasse l’autre, comme une info chasse l’autre, et tout le monde s’en détourne. Si un phénomène se vérifie comme dénominateur commun, de chaque côté des Alpes, dans le domaine politique, c’est bien celui de l’abstention lors des élections. Les correspondants étrangers en France l’avaient souligné après les législatives, et les journalistes Italiens après les dernières régionales, ont vu que la désertion des bureaux n’étaient pas qu’une particularité française.
Mais au-delà des gros titres de l’actualité, la principale difficulté réside dans les traitements des sujets de société. Tant que les Français imagineront les Italiens sous le prisme pizza-calcio-mafia en les considérant comme des roublards, et que les Italiens verront le Français, la baguette sous le bras, les oursins dans les poches, avec cet air hautain et snob de "puzza sotto il naso", les nuances nécessaires à la compréhension d’une complexité de terrain peineront toujours à émerger.
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