La guerre en Ukraine dans le palmarès du prix Bayeux
Franceinfo primé : Maurine Mercier pour la RTS et pour franceinfo enlève le Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre, pour son reportage sur les viols à Boutcha. Autre distinction remarquée, celle des journalistes ukrainiens Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka. Ils ont vécu le siège de Marioupol et couvert le bombardement de la maternité.
C’est à Kharkiv - à peine 30 km de la frontière russe - que le journaliste vidéo Mstylav Chernov a grandi. Quand dans son adolescence, une initiation au maniement des fusils lui a été proposée, il trouvait cela inutile, tant la guerre lui apparaissait valeur passéiste et qu’autour de lui, il ne voyait que des pays amis.
Dès les premiers jours de l’offensive russe, en février dernier, l’immense place de la Liberté où se retrouvaient les jeunes, où Mstylav avait ses souvenirs d’enfance, est bombardée. Le palais de l’administration régionale est soufflé. Mstylav est déjà parti. La guerre a commencé, et le journaliste sait que Marioupol est un enjeu stratégique, il alerte son collègue ukrainien, Evgeniy Maloletka, qui collabore aussi avec l’agence AP. Ils arrivent dans la ville portuaire dans la nuit, les premières bombes frappent une heure après.
Marioupol. 430 000 habitants. En quelques jours le quart de la population prend la route. Ceux qui pensent qu’ils ne seront pas concernés par cette guerre réalisent trop tard leurs erreurs de jugement. Deux bombes Russes coupent l’eau, l’électricité, les tours de téléphone portable, de radio et télévision, et privent la ville encerclée d’approvisionnement alimentaire. Les autres journalistes présents à Marioupol ont juste le temps de s’exfiltrer avant que les connexions ne soient coupées.
Dans Marioupol, plus personne ne peut communiquer
Et plus aucune information ne passe. Les Russes peuvent agir en toute impunité, personne n’en saura rien. "Pour cette raison, répète Mstylav, nous avons pris de gros risques pour montrer au monde ce dont nous étions témoins.../... Nous avons vu des enfants mourir sous les bombes, des familles décimées par les obus", les médecins qui les supplient de tout filmer, comprenant que les journalistes en montrant au monde ces horreurs influeront peut-être sur le cours des choses. Les photos et les vidéos, Mstylav et Evgeniy les envoient dans des conditions précaires à chaque fois, du haut du sixième étage de l’hôpital éventré. Oui, ça passe, mais pendant combien de temps.
Ça passe, et c’est pour cela que les Russes sont à leur recherche partout dans la ville. Le commandement leur a indiqué que deux reporters filmaient tout, il faut les trouver. Les deux journalistes se terrent comme ils peuvent.
Après 20 jours dans des conditions qu’il est inutile de qualifier, ce sont des soldats ukrainiens qui vont permettre aux deux reporters de sortir de Marioupol. Leur vie est en danger, mais pas seulement leur vie, leur expliqueront les Ukrainiens. Les Russes voulaient capturer les deux journalistes d’AP pour leur faire dire sous la menace, face à une caméra, que leur travail n’était que du fake avec des comédiens. Qu’ils étaient des agents occidentaux venus pratiquer la désinformation.
Après 20 jours, ils sont sortis en quelques minutes. A peine un regard pour les médecins et les familles qui les ont cachés et leur ont sauvé la vie. Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka y pensent chaque jour. Aujourd’hui, leur travail est récompensé dans les prix de journalisme en Europe, et hier soir à Bayeux, au Prix des correspondants de guerre. C’est aux civils de Marioupol, aux femmes et aux enfants, à la mémoire de celles et ceux qui sont morts que ces distinctions sont dédiées.
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