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Sur le terrain d’une guerre

La guerre en Ukraine est un flux continu de notifications sur nos écrans depuis le 24 février. Matin, midi et soir, radios, journaux et télés nous font quasiment vivre en direct l’actualité de cette guerre. Omar Ouahmane et Jérémie Tuil reviennent d'une quatrième mission de reportage sur le terrain ukrainien pour Radio France. L'une des plus éprouvantes.  

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un char abandonné par les Russes dans le Donbass et récupéré par l'armée ukrainienne. (OMAR OUAHMANE / RADIO FRANCE)

Dans la saturation d'infos sur la guerre en Ukraine depuis le 24 février dernier, les non-dits qui en disent beaucoup, sont plus nombreux qu’on le pense. Et ils sont souvent portés par les journalistes qui vivent en direct la pression et l’horreur de cette guerre. Avec au-delà de la dureté des témoignages recueillis, la peur à gérer quand les bombes tombent tout autour.

A regarder les titres de bandeaux déroulants, à lire les communiqués, "l’armée russe se retire de Kherson", on finirait par oublier que cette guerre en Ukraine est terriblement meurtrière, et que les morts, en majorité des soldats, sont invisibles. Dans les colonnes du journal Le Monde cet été, Rémy Ourdan écrivait :

"Si le monde a vu les bombardés de Marioupol et Izioum, les exécutés de Boutcha et Irpin, il ne voit pas qu’une génération de jeunes hommes est en train de sombrer. Le carnage s’entend aux sirènes des ambulances qui foncent sur les routes du Donbass, il se voit aux camionnettes siglées du chiffre 200 (code militaire pour le transport de cadavres), il se comprend aux mines effarées des combattants qui ont déjà perdu un quart, un tiers, la moitié de leur unité, de leurs frères d’armes et qui en général refusent d’en parler. Le carnage se lit sur les réseaux sociaux, devenus au fil des mois des pages nécrologiques sans fin, un sanctuaire de la mémoire combattante."

Le carnage, la peur et la douleur 

Si le monde ne le voit pas, l’Ukraine et la Russie le vivent dans la douleur des familles qui récupèrent les corps des journées plus tard, parfois ce qu’il en reste. Dans les villes et villages où tout peut paraître calme en apparence, sauf que le tissu social est disloqué, et que des ruines, çà et là, rappellent la proximité des lignes de front, on essaie de vivre un quotidien le plus normalement possible, en gérant sa peur et les aléas du manque de chance, si une bombe venait à atterrir sur son immeuble.

Une habitante de Lyman, Clavdia, 85 ans, elle a vécu de la solidarité des habitants de Lyman. (OMAR OUAHMANE / RADIO FRANCE)

C’est à l’oreille, au jugé, qu’on interrompt ou pas les activités de l’instant. A la manière d’un orage qui gronde, on essaie d’évaluer à la puissance du bruit si le nuage de missiles s’approche ou s’éloigne. Quand ça tape très fort, on se précipite dans les caves et les abris, quand l’impression demeure que les mortiers restent à distance, on reste focalisé sur ce qu’on est en train faire dans le quartier ou aux abords de sa main.

Il peut subsister parfois une illusion de normalité. Comme toute illusion, elle est forcément trompeuse. Tout comme la sensation de familiarité que peuvent avoir les reporters de guerre aguerris, quand ils reviennent pour la cinquième ou sixième fois. Le danger n’est jamais visible et la vigilance toujours requise.

Une victime d'un bombardement le 30 septembre 2022 à Zaporijia. Ce jour là, 31 personnes ont péri sur un parking, lorsqu'un missile s'est écrasé sur elles. 
 (OMAR OUAHMANE / RADIO FRANCE)

Septembre, octobre : des reportages éprouvants 

Dans ce Profession Reporter, Omar Ouahmane, grand reporter de la rédaction internationale de Radio France et JérémieTuil, technicien de reportage, tous deux expérimentés, fins connaisseurs du terrain ukrainien – quatrième mission sur place depuis le début de la guerre en février – ont tous deux reconnu que les reportages du mois d’octobre ont été particulièrement éprouvants. Alors que vu de France, se dégageait le sentiment, d’une guerre diminuant en intensité. Mais une guerre reste une guerre, les bombes restent les bombes et le risque zéro existe encore moins en pareilles situations.

Et les peurs surviennent toujours dans des périodes dites anodines. Omar et Jérémie roulent en convoi dans leur véhicule, mais la voiture s’enlise et contraint l’équipe Radio France à descendre de voiture pour dégager la roue. Le convoi continue. Quelques minutes plus tard, au loin devant des écrans de fumée, le convoi a été bombardé. S’ils n’avaient pas été enlisés....  

Au terme d’une journée de reportage, dîner sur le pouce, et montage des reportages dans la chambre de Jérémie. Une immense déflagration soudaine, puis deux. Les murs tremblent, bris de vitres cassés à l’extérieur. Les deux reporters se précipitent d’abord vers la salle de bains, puis vers le sous-sol où les autres locataires sont déjà terrés. Cette gestion du danger et de la peur que les Ukrainiens vivent au quotidien, elle se raconte peu au regard des horreurs que propage le conflit, et pourtant, c’est un point majeur qui fatigue, éreinte, disloque, réduit l’être humain, et qui finit par le tuer d’une manière ou d’une autre.  

Un camion de transports de troupes abandonné par les Russes dans le Donbass et récupéré par l'armée ukrainienne. (OMAR OUAHMANE / RADIO FRANCE)

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