Programmes du primaire : trois réformes en 10 ans
Jack Lang en 2002, Xavier
Darcos en 2008, et donc Vincent Peillon en 2013 ou 2014 : les programmes
de l'école primaire vont effectivement une fois de plus changer.
C'est une réforme annoncée de longue date par Vincent Peillon.
Oui. Il
a toujours dit, je cite, que les programmes de 2008 "ne sont pas les bons
programmes ". Il a également critiqué le manque de concertation lors de
leur conception. D'où le lancement de cette concertation, très ouverte, la
semaine prochaine.
Que leur reproche-t-il ?
En 2008, la thématique
était celle du retour aux fondamentaux. Le lire, écrire, compter, et le par
cœur. Pourquoi ? Parce que le primaire, et c'était nouveau, se retrouvait
subitement sous les projecteurs : jusque-là on accusait le collège de tous
les maux du système éducatif, mais à partir de 2005 le primaire s'est retrouvé
sur la sellette. Deux épisodes forts : la bataille des méthodes de lecture
lancée par Gilles de Robien – la chasse à la méthode globale. Puis un rapport
du Haut conseil de l'éducation assurant que le primaire allait mal. A quoi il
faut ajouter des évaluations internationales, notamment Pirls, affirmant que le
niveau avait baissé depuis 2001.
D'où l'idée de recentrer les programmes sur les fameux fondamentaux.
Oui. On leur reproche
alors de ne pas consacrer assez de temps au français et aux
mathématiques. Une des critiques majeures porte
notamment sur les heures de français. Elles ont été diminuées au motif
qu'on fait aussi du français pendant les autres séquences. L'idée était qu'on
peut faire de la grammaire pendant un temps dédié à l'histoire si on constate
une erreur. Sur le papier c'est vrai. Mais ce n'est pas forcément aussi facile
que cela à réaliser. On reproche aussi alors à ces programmes de privilégier ce qui
relève de l'expérimentation, de la découverte, ce qui permet la construction
des apprentissages. C'est exactement ce que certains veulent voir revenir
aujourd'hui, et notamment le Snuipp FSU, qui est le syndicat majoritaire
Tête bien pleine contre tête bien faite,
c'est un vieux débat...
Vieux
comme l'école républicaine ! L'historien Claude Lelièvre, qui est proche
de Vincent Peillon, aime citer cet inspecteur d'académie de la Somme qui à la
fin du XIXe siècle écrivait – je cite - : "Aucun de nos maîtres n'ignore que le but de
l'enseignement primaire est double. On veut d'abord, dans nos écoles, donner
aux enfants les connaissances nécessaires à la vie moderne ; on veut ensuite
cultiver l'intelligence de l'enfant de façon à la rendre forte, souple, capable
de réflexions et d'efforts, apte à se gouverner, à travailler, à produire
d'elle-même. En deux mots : on veut apprendre ,
et apprendre à apprendre .
De ces deux tâches là, la seconde est la plus importante ". Or on
n'apprend pas à apprendre par le seul "par cœur". cela passe par de
l'expérimentation, des approches du type la main à la pâte en sciences – c'est
une approche par l'expérience. On apprend aussi en sortant de l'école, avec des
classes découverte ou des visites de la ville, des musées. On apprend en
faisant des journaux, en correspondant, en découvrant qu'on n'écrit pas dans le
vide mais à quelqu'un, que les compétences scolaires ont une fonction.
Le débat
commence donc bien avant les querelles sur les méthodes de lecture ou
l'opposition entre traditionnalistes et innovateurs...
Oui. Le philosophe Marcel Gauchet rappelle que
l'expression "apprendre à apprendre" est née sous la plume de
Pestalozzi. Et Pestalozzi, c'est le XVIIIe siècle et le début du XIXe. Il a
beaucoup influencé Jules Ferry.
Que dit la
recherche sur l'efficacité de ces différentes approches ?
Comme souvent en matière d'éducation, tout est affaire de dosage. Le par cœur a
évidemment sa nécessité. Mais il ne permet pas de s'assurer que l'enfant a
compris. On peut ânonner une règle sans la comprendre. Raison pour laquelle, à
partir d'une règle de français, les instits demandent aux enfants de trouver
des exemples par eux-mêmes. C'est aussi la fonction des problèmes en
mathématiques. De même les approches comme La main à la pâte ont leurs
détracteurs. Ils estiment que ça ne fonctionne que si le professeur est vraiment
capable de passer du particulier au général et d'enseigner la règle générale
qui découle de l'expérience menée. Donc ça nécessite une formation or la
formation continue est notoirement insuffisante.
Il y a aussi un aspect politique... Concerter,
c'est pour Vincent Peillon une façon de ne pas subir les mêmes critiques que
sur les rythmes scolaires...
Oui,
beaucoup d'attaques ont porté sur le manque de concertation. De manière un peu
abusive d'ailleurs car un comité avait travaillé sous Luc Chatel à la réforme
des rythmes, et qu'il avait consulté. Mais c'est vrai qu'on était resté dans le
périmètre des organisations représentatives et des experts. Là, tout le monde
est appelé à s'exprimer – ce dont se réjouit un syndicat comme le SE-Unsa.
Début de la concertation lundi. Et
après ?
Transmission
de la synthèse au futur Conseil supérieur des programmes (CSP), qui sera
installé d'ici la fin septembre. Puis 2e consultation, cette fois
sur la base des propositions de ce Conseil, pour application à partir de la
rentrée 2014.
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