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ZEP un jour, ZEP toujours ?

Le site internet du Monde a dévoilé hier la liste des 102 " super ZEP " qui bénéficieront à la rentrée de moyens supplémentaires. Le quatre cinquième étaient déjà classés ZEP il y a 23 ans...
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Franceinfo (Franceinfo)

C'est le résultat d'une extrapolation que j'ai réalisée
partir d'un document de travail de l'Education nationale datant de 1991 :
sur 35 collèges répartis sur 9 académies, 28 étaient déjà classés zone d'éducation
prioritaire en 1991. Impossible de trouver la liste des 363 ZEP originelles,
celles de 1981, mais il y a fort à parier qu'elle présenterait également de
fortes similitudes...

Ce
sont donc des zones où la difficulté scolaire est enkystée...

Oui. Vingt ans de difficulté, parfois trente, en dépit
des divers plans de relance de l'éducation prioritaire – il y en a eu en 1990 à
l'initiative de Lionel Jospin (on était alors passé de 350 à 558 ZEP) ;
1998, c'est Ségolène Royal qui relance à son tour et invente les REP, les réseaux
d'éducation prioritaire et on double encore le nombre pour arriver à 1189.
Gilles de Robien en 2006 remplace ZEP et REP par RAR (réseau
ambition réussite
) et RRS (réseau
réussite scolaire) – 249 RAR et 940
RRS.

Que
vont changer les " super ZEP " de Vincent Peilon ?

Premier changement : les enseignants seront déchargés
d'une heure trente de cours par semaine, afin de
travailler en équipe, de recevoir les parents, d'accompagner les élèves les
plus fragiles. C'est un point important puisqu'on
reconnaît pour la première fois que cela fait partie du travail des enseignants
au même titre que l'enseignement et la préparation des cours. Autre
changement : les primes qui existaient déjà vont être doublées. Elles représentent
environ 100 euros par mois et vont donc passer à 200. Enfin un effort spécial
sera accompli pour accueillir les enfants avant l'âge de trois ans, l'objectif étant
d'arriver à en scolariser 30% d'ici la fin de la mandature. Et cela concerne
donc 102 super ZEP qui s'appelleront en fait des REP + à la rentrée 2014 ;
il y en aura 350 en 2015.

Comment
ces établissements sont-ils choisis ?

Les critères ont peu évolué par rapport à 1981, à l'époque
où Alain Savary les a créées pour " donner plus à ceux qui ont moins ",
en reprenant une idée portée dès le début des années 1970 par le Sgen CFDT. Ce
sont des établissements qui présentent un taux de boursiers élevé, une forte hétérogénéité
sociale, une concentration de parents ayant des revenus faibles...

Pourtant
le choix fait polémique : nous l'avons déjà évoqué sur France Info, des
enseignants des académies de Versailles et de Créteil sont mécontents.

Oui. L'inquiétude porte notamment sur la pérennisation
du financement des ZEP actuelles. Il y a la crainte d'une baisse des moyens.

Les
quatre cinquième environ de ces REP +, comme il faut donc les appeler, bénéficiaient
déjà de moyens supplémentaires depuis plus de vingt ans. N'est-ce pas l'indice
d'un échec de cette politique ?

Tous les pays développés sont confrontés à ce problème,
qui touche en moyenne 20% des élèves, et aucun n'a trouvé la pierre
philosophale. Ce qu'on sait néanmoins c'est que l'école n'a pas réponse à
tout : les dispositifs pédagogiques les plus efficaces ne compensent pas
les inégalités sociales, ne donnent pas d'emplois aux parents, n'apaisent pas
les troubles parfois graves dont souffrent certains élèves – notamment ceux qui
viennent de zones de guerre... On connaît en revanche un certain nombre de
mots-clés : la formation des enseignants, le dialogue avec les parents qui
est absolument essentiel, et surtout la coordination de toutes les politiques
publiques dans ces zones : le scolaire doit parler avec le social, l'économique,
le médical, le psychologique, l'urbain, le culturel, le sportif, etc. Il y a un
enjeu majeur en terme de maillage institutionnel à la fois pour repérer les
plus fragiles et pour les accompagner.

Donc
ce n'est pas un échec...

Disons que l'erreur serait de penser que rien n'a été
tenté. C'est faux. A la fois en termes de moyens et d'innovation – l'Education
prioritaire est un formidable laboratoire d'innovation, ce que rappelait encore
Florence Robine, la rectrice de l'académie de Créteil, lors des assises académiques
de l'éducation prioritaire. Donc parler d'échec serait abusif. D'un autre côté
il est clair que l'ambition initiale n'a pas été atteinte, loin s'en faut. En
1981, certains pensaient que ces ZEP seraient un dispositif transitoire :
on allait faire un effort pour remettre debout certains établissements qui,
ensuite, allaient rejoindre le régime commun. Ça ne s'est pas produit, bien au
contraire puisqu'on retrouve de plan de relance en plan de relance les mêmes établissements
– quatre sur cinq en moyenne d'après mon extrapolation. Des établissements où
l'empilement de dispositifs, de sigles, de mesures, au fil des ans, nourrit
aussi un immense désarroi, un immense sentiment d'impuissance, parfois d'épuisement,
des personnels d'éducation.

 

 

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