Cet article date de plus d'un an.

Identité sexuelle : "Des gens qui n'osaient pas, trouvent la place de leur liberté, il y a une évolution considérable", souligne Jean Viard

Le mois de juin est le Mois des fiertés. Un mois pour faire avancer le combat pour les droits LGBT+, et l'institut Ipsos publie à cette occasion une grande enquête, menée dans 30 pays. Il y a une Marche des fiertés aujourd'hui samedi 10 juin, à Toulouse, Nantes et Bordeaux.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Plus d'un millier de personnes ont participé à la Marche des fiertés à Nancy, le 3 juin 2023. (Illustration) (CEDRIC JACQUOT / MAXPPP)

À l'occasion du mois de juin, le Mois des fiertés, l'institut Ipsos publie une grande enquête menée dans 30 pays. On y apprend qu'en France, 1 adulte sur 10 s'identifie comme étant LGBT+, avec des différences générationnelles frappantes. Pour ce qui est de l'orientation sexuelle par exemple, 4% se disent LGBT+ chez les baby-boomers – les Français nés avant 1965 – et puis 19% chez la génération Z – celles et ceux qui sont nés après 1997. 

Les discriminations, les violences et la haine anti-LGBT+ demeurent une réalité dans notre pays, rappelle le gouvernement, qui a lancé en 2020 et jusqu'en 2023, un plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+. Décryptage avec le sociologue Jean Viard. 

franceinfo : Selon le sondage Ipsos, on serait vraiment devant un clivage générationnel ? 

Jean Viard : Oui, il y a une évolution absolument considérable. C'est toujours compliqué ces phénomènes où, au fond, l'intime devient public, c'est-à-dire qu'il y a à la fois le fait qu'on en parle, que c'est légal, qu'il y a justement les marches des fiertés, il y a tous ces débats qui d'ailleurs souvent ont commencé après le sida, et puis après, il y a aussi le fait que la loi change, et donc il y a un mouvement.

On a là un événement important dans l'histoire des sociétés, je crois, c'est qu'au fond, la norme hétérosexuelle, qui était ou vécue simplement par la majorité, ce qui est toujours le cas, ou supporté par une minorité qui, en gros, était dans ce cadre parce que c'est celui que la société tolérait. Il faut se rappeler les violences, même si elles sont encore énormes, contre les minorités, et donc effectivement, on voit une évolution sur une période très courte parce qu'au fond, en deux générations.

Deux générations, mais c'est vrai que quand on regarde dans le détail cette affaire de clivage générationnel, ça va très vite, même d'une génération à l'autre, entre cette génération Z (nés après 1997) et la génération juste avant, ceux qui ont entre 26 et 42 ans, qui sont deux fois moins nombreux, 9%, à s'identifier comme LGBT +. Donc ça va vraiment très, très vite, d'une génération à l'autre ?

Oui, parce que, en plus, dans la dernière période, regardez le mariage pour tous, c'est devenu un phénomène – on a même vu un ministre s'excuser des positions qu'il avait prises – donc ça veut dire que, à un moment, la loi a changé, et donc d'un coup, on est passé dans une autre époque. On avait connu ça, par exemple avec la pilule aussi, autour de 1968. Il y a un moment, où la règle changeant, au début, y a des refus, souvenez-vous en France, les bagarres politiques pour le mariage pour tous, et puis au fond, une fois que ça s'est fait, les gens se rendent compte qu'au fond ça ne change rien. Ça change pour certains, qui étaient complètement discriminés, mais pour les autres, ils ne vivent pas plus mal, donc la tolérance progresse et c'est ça qui est intéressant, c'est de voir cette dynamique.

Mais il faut se rappeler aussi, regardez par exemple en Belgique, il n'y a eu aucun débat. Et regardez la violence en France, la France aussi est un pays qui, dès qu'on parle de l'intime – en ce moment, c'est le débat sur la fin de vie – on n'est pas un pays en pointe, on est un pays très conservateur, on a très, très peur de perdre les règles – certains parleraient de décivilisation – de perdre les règles qui effectivement nous ont construits. Mais quand on change, finalement, on se rend compte que ça libère, ça va mieux, et des gens qui n'osaient pas trouvent la place de leur liberté, ce qui est quand même magnifique.

Mais il y a aussi le fait que les mariages de personnes du même sexe, chaque fois il y a 50, 100 personnes ; les gens s'affirmant davantage, on se rend compte qu'au fond, les deux cousines, on disait : ce sont des copines, elles dorment ensemble, mais pas du tout, c'est un couple. Ce qui était caché étant montré, tout le monde le voit, et donc on se rend compte qu'effectivement, ça ne blesse pas. Ça montre aussi qu'il y a des fois, où il faut savoir être minoritaire – c'était le même débat sur la peine de mort – et puis après, la société vit beaucoup mieux dans un cadre plus libre, qui est à la fois un cadre libéral, parfois libertaire, en tout cas un cadre de liberté, et un cadre de liberté qui est en train de saisir la planète.

On voit bien ce que c'est que la conscience mondiale du monde moderne, parce que l'étude porte sur 30 pays, ces évolutions sont très, très nettes. Après, il y a les pays, qui étaient plus conservateurs, comme le Japon, comme la Corée du Sud, comme la Turquie, avec des régimes plus autoritaires, et puis le monde anglo-saxon, le monde latino-américain. Cela montre bien que la construction de la population, l'histoire de cette construction, favorise ou ne favorise pas l'ouverture d'esprit des sociétés.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.