"Il n'y a jamais eu d'uniformes dans les écoles de la République. L'enjeu, c'est qu'on doit rendre l'école plus visible", souligne Jean Viard
Le retour de l'uniforme à l'école : un sujet qui a été débattu cette semaine : proposition de loi RN rejetée à l'Assemblée nationale. Pour Robert Ménard, le maire de Béziers, invité de franceinfo jeudi 12 janvier, gommer les inégalités sociales, atténuer les atteintes à la laïcité, pour lui, l'uniforme n'aurait que du bon. "L'École, il faut la sanctuariser", dit-il.
franceinfo : Le retour de l'uniforme, Jean Viard, est-ce que c'est un retour à l'avant Mai 68 ? Certes, il n'était pas généralisé, pas obligatoire partout, mais quand même, on envoyait beaucoup plus ?
Jean Viard : Alors, il n'y a jamais eu d'uniformes dans les écoles de la République. Il y a eu des écoles uniformes dans les écoles catholiques que fréquentait Madame Macron, elle en parlait l'autre jour en disant qu'il soutenait la mesure. Il y a eu des uniformes dans les écoles militaires, c'est-à-dire là où on formate les gens pour qu'ils aient une pensée commune, il y avait des uniformes, comme il y a des uniformes en Angleterre, dans les grandes écoles, des milieux très aristocratiques qui montrent bien qu'en matière d'égalité, on ne peut pas dire que ça soit un modèle positif. Ça, c'est la toile de fond.
Donc avant 1968, il y avait des règles, c'est vrai. Par exemple, le pantalon était interdit. Ma sœur a été exclue du lycée, en 64, parce qu'elle avait mis un pantalon. Et encore, je ne parle même pas de la minijupe qui est arrivée à ce moment-là. Donc il y avait des normes, il y en a encore. Il y a toujours des négociations. Il y a la question du costume de certaines minorités religieuses, notamment musulmanes, bien sûr.
Mais après, pour moi, il y a deux enjeux. L'enjeu, c'est qu'on doit rendre l'école plus visible et ça, je suis d'accord. Il faut penser à Samuel Paty. Il faut penser à ce qu'on a vu pendant la pandémie : l'École était devenue un service technique où on déposait ses enfants pour aller travailler. Non, l'École, c'est le cœur du lien républicain. Donc ça doit se voir. Moi, je rêve qu'il y ait une couleur de l'École, comme il y a le jaune pour la Poste, le rouge pour les pompiers. Les infirmières sont en blanc. Ça ne me choquerait pas du tout que les bâtiments, les voitures de service, aient une couleur. Il y a une demande d'unité, Je la comprends.
De l'autre côté, les enfants, on leur apprend la création, la diversité, la différence. Ils ne s'habillent pas pareil, ils cherchent leur costume, leur mode de vie, etc. Quelque part, c'est contradictoire. C'est pour ça que je n'ai pas une position extrêmement claire. Et puis quant à l'égalité, soyons honnêtes, ils n'auront pas les mêmes montres, les mêmes téléphones, les mêmes cartables, ils n'auront pas les mêmes ceintures, les mêmes chaussures et ils n'auront pas les mêmes coiffures.
Intéressant ce que vous nous dites, Jean Viard, et ça tord le cou à certaines idées reçues. Même avant Mai 68, l'uniforme n'était pas généralisé dans toutes les écoles primaires, loin de là ?
Non, mais il y a une chose qui est vrai, c'est que les pensionnaires, on leur imposait la blouse grise. Pourquoi ? Parce que c'état avant l'invention de la machine à laver. Un pensionnaire, s'il fallait le changer tous les trois jours, ce n'était pas possible. Donc du coup, les pensionnaires avaient une blouse grise, moi j'ai connu ça encore en 68, dans mon lycée les pensionnaires avaient une blouse grise. Mais c'est lié au nouveau système de nettoyage ; comme on a pu soudain laver les vêtements des pensionnaires grâce aux machines, la blouse a disparu, mais ce n'était pas du tout un uniforme pédagogique, c'était un uniforme hygiénique, d'hygiène.
On a vu, notamment avec cet épisode cette semaine, à l'Assemblée nationale, que le Rassemblement national, la droite républicaine, sont plutôt pour le retour de l'uniforme. La gauche est contre, la majorité, avec une forme de division. Quelles sont les visions de fond qui s'opposent sur ce sujet de l'uniforme ?
La question, elle est de l'autonomie de l'individu : est-ce qu'on forme des gens qu'on veut assimiler à un modèle national français, où dans lequel, quelle que soit leur origine, on veut qu'ils se ressemblent ou est-ce qu'on veut former des gens hyper créatifs, différents, les uns s'habillent en rouge, les autres en vert. Toute la question, c'est : quelle idée on a de la construction de notre jeunesse. Ce n'est pas une mauvaise question, c'est pour ça que je la prends à moitié, en disant : mettons-leur des K-Way pour que dans la rue ils aient le même uniforme, mais qu'à l'école, ils puissent faire des effets de couleurs, de longueur de robe, et de charme de leurs vêtements et de leur coiffure…
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.