Immobilier : pour Jean Viard, "la richesse de la péri urbanité, c'est le foncier, il faut organiser cette 'ville jardin' autour de la ville, en faire un espace politique"
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, rencontre les représentants des banques, demain lundi 26 février, pour trouver des solutions pour relancer le crédit immobilier.
Gabriel Attal, le Premier ministre, veut redonner du souffle à la construction de maisons individuelle : "Ça fait partie du rêve français, de beaucoup de familles là aussi, de classes moyennes qui travaillent dur et qui aspirent à pouvoir se loger avec leurs enfants, avec leur famille, si c'est leur choix, dans une maison individuelle"
franceinfo : Jean Viard, qu'en disent vraiment les Français ?
Jean Viard : Ils disent ça, mais ils ont toujours dit ça, depuis la guerre. Et d'ailleurs c'est un des débats en ce moment avec le monde agricole. Parce qu'effectivement 60% des gens habitent dans des maisons avec jardins. Il y a 4 millions de familles qui ont deux maisons, dont une en ville et puis une deuxième à l'extérieur. 4 millions de familles, ça fait à peu près un Français sur deux. En termes d'usage des lieux, et c'est vrai, les Français adorent les maisons du jardin. Ça renvoie à notre imaginaire d'une société des loisirs.
C'est quoi une maison avec jardin ? J'allais dire, c'est un petit club de vacances quoi. La maison individuelle dans toutes les civilisations, aux Etats-Unis, en Angleterre, en Espagne, qui s'est construite à l'extérieur des villes, c'est en fait le rêve de la population. Et particulièrement en France, parce que l'exode rural en France a été extrêmement tardif, il a commencé dans les années 60-70. Donc, on a tous un grand-parent à la campagne, qu'on a plus ou moins connu.
Mais aujourd’hui on voit bien les freins pour devenir propriétaires, se loger dans les grandes villes, ça coûte cher à la campagne, il faut protéger les terres, sans parler du coût des crédits immobiliers en hausse. Il n'y a pas de résignation ?
Non, il y a une réponse qui est très simple, c'est de densifier le périurbain. C’est-à-dire qu'effectivement, il y a deux logiques. On ne peut plus densifier la ville, on ne va pas rajouter sur les immeubles au centre de Paris en hauteur et les gens ne le veulent pas. On ne va pas non plus attaquer la terre périurbaine et 53% de terres agricoles doivent être protégées. Les forêts doivent être protégées. Ça veut dire qu'il faut densifier le périurbain. Et pour densifier le périurbain, il faut d'abord dire aux gens : "Attends ta maison, elle a besoin d'être isolée, elle a besoin peut-être que le toit produise de l'énergie pour ta voiture et ton chauffage. Et pour ça, comment on va le financer ? Et tu vas le financer en vendant la moitié de ton terrain".
La richesse de la péri urbanité, c'est le foncier. Et en plus on a déjà construit les écoulements, on a déjà construit les routes, la plupart du temps, et la seule façon de créer un minimum de transports publics, c'est de densifier, il faut un minimum de gens, sinon ce n’est pas possible. Il faut partir de l'idée que la densification du périurbain et les modèles d'avenir, sont maintenant sur le modèle des lotissements de 300 mètres carrés. Donc on est dans une idée d'avoir une maison avec un extérieur. L'extérieur, c'est un endroit où on a une table, un barbecue ou un petit point d'eau pour les enfants, une piscine pour les plus aisés, 300 mètres carrés, c'est déjà beaucoup. Donc c'est ça l'évolution de ce modèle, et le problème, c'est que cette ville jardin autour de la ville, il faut l'organiser, il faut en faire un espace politique.
Et justement, l'âge d'or du pavillon, c'était les années 60-70. Est-ce qu'il faut que l'Etat soit plus interventionniste aujourd'hui, s'il en a encore les moyens ?
Là où l'État doit être interventionniste, c'est de modifier les règles du lotissement pour autoriser les propriétaires à vendre une partie de leur terrain, sans avoir l'unanimité des membres du lotissement, ce qui était le cas des lois, au début. Dont, il faut autoriser les gens à faire ça. Les gens qui ont un pavillon et qui n'ont pas terrain à vendre vont peut-être agrandir leur garage pour en faire un studio à louer, un étudiant, faire un contrat spécial, etc. Il faut penser la densification, il faut se dire ce sont des milieux populaires qui habitent là. C'est un peu les gilets jaunes. Ils ont de la richesse dans leur terrain. Il faut faire un projet de ville jardin autour de la ville centre, avec une règle démocratique.
Je plaide depuis des années pour qu'on ait deux droits de vote. On vote là où on habite, et on vote là où on travaille. Et à ce moment-là, si vous avez deux droits de vote aux élections locales, vous redevenez un citoyen démocratique. Quand vous achetez un terrain à 1 h de Paris ou de Marseille, en fait, c'est ce qui se passe à Marseille ou à Paris qui vous intéresse. La ville n'appartient pas à ceux qui y dorment. On est pris par une démocratie du sommeil où on vote là où on dort. Je pense qu'il faut remettre le travail dans la démocratie, peut être en doublant le droit de vote.
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