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Le changement d'heure : "Ça a commencé au moment de la guerre 14, jusqu'en 1945. Puis en 2002, on a décidé d'avoir le même temps dans l'UE", rappelle Jean Viard

Le changement d’heure et ses conséquences sur la vie en société avec le décryptage du sociologue Jean Viard. La nuit prochaine à 2h du matin, il sera 3h, et nous perdrons une heure de sommeil.
Article rédigé par Maureen Suignard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'heure d'été, c'est la nuit prochaine. A 2h, il sera 3h. La sculpture "L'heure de Tous" par l'artiste français Arman, composée d'une multitude d'horloges, sur le parvis de la gare Saint Lazare à Paris. (Illustration) (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Question de société, votre rendez-vous du weekend pour bien comprendre le contexte d'une actualité et ses enjeux. Aujourd'hui avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, focus sur la question du changement d'heure. La nuit prochaine, à 2 h, il sera en fait déjà 3 h. Ce changement d'heure a été mis en place en France en 1976, avec le président Valéry Giscard d'Estaing.

franceinfo : C'est un rituel qu'on adore détester, mais qu'on ne veut pas lâcher en France ?  

Jean Viard : Oui, mais pas qu'en France, puisque maintenant, en fait, le temps est européen. Mais aussi, c'est une façon de parler du temps un peu plus léger que la durée de la retraite. Mais c'est quand même toujours la question du temps, mais du temps dans son organisation. Il faut dire que ça n'a pas commencé avec la crise pétrolière. Ça a commencé au moment de la guerre de 14 : en France, en Allemagne, en Angleterre, on a changé d'heure, notamment pour réduire la consommation de charbon, et dans une société qui n'était pas électrifiée. Les campagnes en France ont été électrifiées à la fin des années 30. Donc le fait de profiter de la lumière du jour, et puis le charbon était un enjeu majeur.

Et puis en 1945, effectivement, on a supprimé ce passage. On est revenu à 1 h universelle, en tout cas en France. Et puis, après une nouvelle crise d'énergie cette fois-ci, plus le charbon, mais le pétrole, là, à nouveau, on joue sur les heures. Le problème, c'est que depuis, d'abord on a décidé en 2002 d'avoir le même temps, dans toute l'Union européenne. C'est une façon de faire corps. On appartient à une communauté temporelle, spatiale. On a des frontières et on a le même temps. Donc, c'est un projet d'unification politique. D'ailleurs, plein de pays ont unifié leurs heures, récemment les États-Unis, la Turquie, etc.

C'est-à-dire que l'idée d'avoir un temps, 1 heure nationale, au fond, c'est une idée montante dans les sociétés actuellement. D'autant plus que l'électricité, l'éclairage, notamment, avec les nouvelles ampoules, consomment moins d'électricité et que d'autre part avec les podcasts etc, la grand-messe du journal de 20 h où toute la France était assise dans son canapé n'a plus du tout la même fonction. Il y a tout ça qui joue, et la question qu'on ne sait pas résoudre, et c'est pour ça que l'Europe est bloquée depuis maintenant dix ans, c'est quelle heure choisir ?

On n'arrive pas à se mettre d'accord entre Européens. Pourquoi ? 

Parce qu'on n'a pas les mêmes intérêts. Un Irlandais, si vous lui donnez la même heure qu'un Grec, il y a des saisons, il y a presque 2 h d'écart en réalité, dans la lumière. Si vous allez en Bretagne, vous avez presque 1 h d'écart avec la Provence-Alpes-Côte d'Azur. Donc en fait, l'heure du soleil n'est pas universelle. L'heure universelle, c'est 1 h politique. Comment on fait chevaucher les deux ? Un jour, on aura besoin d'affirmer l'Europe, et je pense que ce sera une des mesures symboliques. On fera une grande réunion des chefs d'État, on décidera d'une heure unique, on s'embrassera, ce sera une façon d'avoir une Europe commune. Moi, je le vois comme ça. 

Mais décider de supprimer le changement d'heure, est-ce que ce ne serait pas en décalage avec notre époque, quand on a régulièrement des appels à la sobriété qui se multiplient ? 

Il y a deux questions. Le changement d'heure, ça bouleverse les rythmes des individus, notamment des enfants, des nourrissons. Et si vous avez eu des enfants, vous savez que quand on change d'heure à la rentrée des classes, c'est une calamité, ça veut dire : est-ce qu'on respecte la nature humaine ? Ce qui est une des préoccupations aujourd'hui. Regardez les dames qui ne veulent plus prendre de pilules, avec l'idée qu'au fond la nature est un bien supérieur, ce qui est certainement vrai, mais ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas aussi dangereuse.

Et de l'autre côté, il y a ceux qui disent oui, d'accord, mais il faut plutôt consommer moins d'énergie. C'est presque deux idées de ce qui est naturel, qui peuvent s'opposer. Et puis, c'est vrai qu'il faut reconnaître que pour les enfants, c'est vraiment très compliqué, notamment les nourrissons, comme ils sont complètement rythmés avec les tétés par un rythme biologique – on dirait qu'ils ont acheté une montre déjà tellement ils sont réguliers dans leur demande de biberons ou de seins – là, il y a effectivement cet enjeu qui s'oppose à l'autre. Donc je dirais que pour l'instant, on ne sait pas ce qui va se passer. Mais ce qui est vrai, c'est qu'on n'est même pas d'accord sur les mots. Les gens disent j'avance, je recule… 

Et heureusement que la plupart des montres sont maintenant automatiques, les ordinateurs, les téléphones portables, Il y a peu d'horloges où il faut changer l'heure. C'est une chose à dire, il faut apprendre aux enfants qu'on change d'heure. Il faut leur montrer une pendule, on change les aiguilles. Il faut qu'ils comprennent pourquoi d'un coup, il fait noir quand ils se couchent ou au contraire, ils se couchent quand il fait jour.

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