Si j'étais... Ziad Takieddine
Dans un entretien à Mediapart, l’homme d’affaires affirme leur avoir transmis trois valises remplies d'argent avant l'élection présidentielle de 2007. Karl Zéro s'est imaginé dans la peau de Ziad Takieddine
Si j’étais Ziad Takieddine, je vous citerais un proverbe druze : "Celui qui a pris l’habitude de manger chez toi a faim dès qu’il te voit." C’est exactement ce qui s’est produit avec MM. Guéant et Sarkozy. Les trois fois où ils m’ont vus, c’était au ministère de l’Intérieur, j’avais toujours avec moi une mallette de 1,5 à 2 millions d’euros.
Comme je l’ai révélé à Mediapart hier – à cinq jours du premier tour de la primaire, mais c’est un hasard total, enfin ils l’ont bien cherché –, c’était l’argent que le Guide libyen, Muhammad Kadhafi, me confiait pour eux, comme je le disais, afin de financer la campagne électorale du candidat Sarkozy, en 2007. C’est loin tout ça, depuis le Guide est décédé, dans des circonstances assez indignes auxquelles ils ne sont guère étrangers, moi j’avais tout oublié de ces histoires…
Cuir de chèvre libyenne
Mais voilà que lundi matin 8h00 je tombe nez à nez avec Sarkozy. Il était là, dans le hall de mon immeuble, assis dans le noir.
"Ziad, mon ami ! C’est génial ! Qu’est ce que tu deviens ? Quelle coïncidence ! C’est dingue de se retrouver là !
— Mais… c’est chez moi, Nicolas. Tu ne vas pas me dire que tu es là par hasard ?
— Non, Ziad. J’irais droit au but : j’ai besoin, de façon urgente, d’une de tes fameuses petites mallettes en cuir de chèvre libyenne, enfin tu me comprends… Dimanche, c’est les primaires, et deux millions ça me suffit, à raison de 20 euros par tête j’arrose 100 000 électeurs et Juppé est plié…"
Inutile de vous dire que j’ai prestement éconduit ce monsieur, et dans la foulée fait changer le digicode de mon immeuble. C’est ce qui m’a décidé à remuer ce passé douloureux, que j’avais enfoui dans ma mémoire… Je suis allé à Médiapart tout balancer… Et encore, je ne leur ai dit qu’une petite partie de la vérité… mais comme j’apprécie votre travail, permettez moi de TOUT vous raconter !
15 centimes pièce
Le lendemain, mardi, je fais mon interview avec Mediapart et en sortant, qui je vois arriver ? Jean-François Coppé. Décidément ! Mais cette fois, c’est lui qui avait une énorme mallette rembourrée.
"Ah ! Tu viens enfin me rembourser les voyages ? je lui dis… Paris-Londres, Londres -Venise et Venise-Londres pour deux en first, y’en a pour du pognon Jean-François…" "Non non Ziad, c’est… des pains aux chocolats ! qu’il me fait. Pour le petit-dej !" Il y en avait 60, à 15 centimes pièce, ça fait 9 euros. Je lui ai dit : "Tu te fous de ma gueule, j’espère ?" et j’ai tourné les talons.
Là, je me dirige vers ma banque lorsque je m’aperçois que je suis suivi. Un type louche, qui rase les murs, tout en noir, une gueule de Nosferatu, livide, les yeux cernés, avec d’ énormes sourcils. Soudain, il me rattrape et se présente : "Bonjour, euh... je suis François Fillon." Je ne l’avais pas reconnu, je ne le connaissais pas.
"Merci M. Takieddine pour ce que vous avez révélé à Mediapart ! Vous avez raison, les Français ont le droit de savoir à quels mafieux ils ont affaire…Ce sont des bandits ! me chuchote-il… Mais…mais…"
— Mais quoi ? je lui dis. Parle sans crainte, François Fillon !
— Vous n’avez rien dit sur Juppé… Ça m’ennuie… Regardez, M. Takieddine, j’ai là une mallette, enfin petite… C’est une sacoche masculine, comme en avait Robert Hue dans les années 80. Dedans, j’ai mis toutes nos économies à Penelope et moi – c’est ma femme Pénélope, c’est pas ma sorcière bien aimée.J’ai vidé notre Livret A, y’a 870 euros et des brouettes…Ça vous suffirait dans un premier temps, pour citer nommément Juppé ? Il était bien ministre des Affaires étrangères de Balladur en 1993-95 ? Alors je me suis dit que comme il y en avait quand même pour 6,2 millions de francs de rétro-commissions sur les contrats d’armement avec le Pakistan et l’Arabie Saoudite, vous pourriez aussi lui faire un petit coucou, non ?"
Il me faisait de la peine… alors j’ai pris ses 870 euros et d’ici dimanche, foi de Ziad, je vais parler de Juppé à Mediapart.
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