Le trou d'air du transport aérien européen
Deux événements sont passés presque inaperçus cette semaine, dans le monde du transport aérien. Chez Lufthansa, chez les pilotes champions d’Europe de la grève (et oui, pour une fois ce sont les allemands avec un jour de grève par mois depuis 18 mois), les pilotes du syndicat Cockpit envisageaient de cesser le travail avec un lourd impact sur les vols. Leur combat : sauvegarder leur retraite 60 ans dans un pays où bientôt l’âge légal sera 67. Ils ont d’ailleurs déjà lâché l’affaire sur le départ à 55 ans.
La justice a tranché : grève illégale, c’est possible en Allemagne. Et puis chez nous, chez Air France, pour faire court, car là aussi, il y a des recours à la justice, le syndicat des pilotes, le SNPL a cédé et décidé de participer enfin aux négociations du plan Perform 2020 d’Air France, un plan qui prévoit, là aussi, d’allonger la durée du travail pour sauvegarder l’emploi ou bien l’entreprise devra fermer 10 % de son réseau.
Et il n’est plus plus question de s’interroger sur le salaire des pilotes. La question, c’est plutôt de survivre face à l’offensive du low cost et des compagnies d’Asie et du Moyen-Orient. Il y a eu déjà des premières secousses dans les années 70, date des premières low cost américaines, en 1990 avec l’ouverture du ciel européen mais surtout en 2009 avec la crise et les coûts trop élevés des compagnies européennes. Souvenez-vous de la Swiss Air, disparue corps et biens. Les États-Unis nous avaient d’ailleurs devancés dans cette nouvelle donne du ciel. En Europe, on a créé des hubs longs courriers, comme Francfort par exemple, mais ils sont désormais concurrencés par Doha, Dubaï ou encore Istanbul. Bref, rien ne va plus dans le petit monde du transport aérien. Les majors se font distancer par Ryan Air, première compagnie en Europe en transport de passagers, suivie d’Easyjet. Il faut donc se transformer ou mourir.
Il y a bien sûr les alliances et les créations de ses propres low coast, Germawings pour la Lufthansa, et Transavia pour Air France, mais les coûts, les charges, la compétitivité sont évidemment au cœur du problème. La vie rêvée du pilote de ligne est désormais derrière nous. Une étude de l’université de Gand, à la demande de la Commission européenne, portant sur 6.000 pilotes, montre qu’un sur six aujourd’hui est un salarié soit indépendant, uberisé en quelques sorte, ou bien un précaire. Chez les moins de 30 ans, ce sont même quatre sur dix. Et, parmi ces pilotes précarisés, 70 % volent pour une low coast. Il y en a même qui paient les compagnies pour voler afin de se forger une expérience. Aujourd’hui, vous l’aurez compris, l’emploi dans le secteur aérien est au beau milieu d’un sacré trou d’air.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.